La Nouvelle-Calédonie, un territoire à décoloniser ?

Pourquoi la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française figurent-elles sur la liste de l’ONU des territoires à décoloniser ? Quels en sont les critères ?

Nouvelle Calédonie liste territoires à décoloniser
Girard – La Nouvelle-Calédonie, paru dans Le Monde illustré, 25 avril 1857

L’ONU et le processus de décolonisation

L’ONU possède une liste des territoire qu’elle estime non décolonisés.

Selon la résolution 1514 de l’assemblée générale, « tous les peuples ont le droit à la libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique ». Elle crée en 1961, le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (ou « Comité spécial de la décolonisation »). Ce comité dresse une « liste des territoires non autonomes ».

À l’heure actuelle, l’ONU considère 17 territoires comme non autonomes.

Comme on le voir, la Nouvelle-Calédonie, comme la Polynésie française figurent sur cette liste.

Territoires à décoloniser : quels critères

Le comité spécial de la décolonisation dresse la liste des territoires à décoloniser. Comment fonctionne-elle ? Quels sont les critères pour y figurer ?

L’ONU qualifie de « non autonomes », les « territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles mêmes ». Un territoire non autonome peut être désinscrit de la liste à trois conditions :

  • s’il est devenu État indépendant et souverain ;
  • s’il s’est librement associé à un État indépendant ;
  • s’il s’est intégré à un État indépendant.

Le comité spécial de la décolonisation a donc pour tâche d’évaluer si les populations concernées se sont effectivement prononcées ou non.

Par exemple, les îles Tokelau, territoire administré par la Nouvelle-Zélande ont explicitement refusé l’indépendance par référendum. Mais le territoire figure toujours sur la liste. En effet, le seuil des deux tiers de voix était fixé pour valider l’autodétermination. Cependant, les votes ont tout de même atteint par deux fois environ 60 % de voix en faveur de l’indépendance. L’ONU a donc considéré que ces scrutins n’étaient pas probants et à maintenu Tokelau sur la liste.

Il n’existe pas de liste de critère objectifs. Les recommandations du comité sont donc avant tout politiques. Or, compte tenu de sa composition, son objectivité s’avère questionnable.


Lire aussi Le blocage de l’ONU.

Le comité spécial de décolonisation : une arme politique

Le comité spécial de décolonisation propose la mise à jour la liste des pays à décoloniser à l’Assemblée générale. Il est dominé par des pays qui possèdent un intérêt à présenter l’Occident comme toujours colonisateur et immoral.

En effet, aucun pays occidental n’y participe. En revanche, la Chine, la Russie, l’Iran, le Mali et la Syrie en sont membres. Or, tous ces pays possèdent un intérêt bien compris à mettre la pression sur les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. En effet, seuls ces trois pays, plus la Nouvelle-Zélande, sont considérées comme « puissance administrante » (comprendre, coloniale).

Curieusement, alors que le Sahara occidental figure sur la liste, l’ONU ne désigne pas le Maroc comme « puissance administrante ». Nulle mention non plus de Hong-Kong, dont la population ne s’est jamais prononcée sur le sort de son île, ni du Tibet.


Lire aussi l’ONU, l’impossible réforme.

La cas français : la Nouvelle-Calédonie, un territoire à décoloniser ?

Dans ce contexte, l’inscription (ou la réinscription) de territoires français du Pacifique sur la liste ne surprendra plus. Quels sont les arguments avancés ?

Concernant la Nouvelle Calédonie, l’ONU l’a réinscrite sur la liste des territoires à décoloniser en 1986. Elle y figure toujours. Le comité considère que les trois référendums ne sont pas suffisants pour régler la question.

En effet, selon Semir Al Wardi, chercheur en sciences politiques, « le troisième référendum est considéré par les observateurs internationaux comme très discutable. On peut donc dire que l’argument selon lequel il y a eu trois référendums et on peut s’arrêter là n’est pas recevable en général par les observateurs internationaux. »

Pour la Polynésie française, ce sont des Etats insulaires du Pacifique, les îles Salomon, Nauru, Tuvalu, Samoa, ainsi que le Timor Oriental qui portent la réinscription de 2013. Elle s’effectue malgré l’opposition de l’assemblée polynésienne. En effet, élire une assemblée défavorable à l’indépendance n’équivaut pas à la tenue d’un referendum en bonne et due forme.

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L’inscription ou la désinscription d’une entité sur la liste des territoires à décoloniser est donc un acte de droit international, mais aussi et surtout politique. L’absence de critères objectifs permet une lecture partiale du droit à l’autodétermination. La seule mention de « territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles mêmes » permet une grande liberté à l’assemblée générale. Mais sa liberté n’est semble-t-il pas assez grande pour considérer le cas de territoires administrés par la Chine qui n’ont jamais eu l’occasion de déterminer librement leur statut politique.

Pour aller plus loin, Dix questions fréquemment posées sur l’Organisation des Nations Unies et la décolonisation.

Le commerce favorise-t-il la paix ?

 Le commerce favorise-t-il la paix ? C’est une idée reçue depuis le « doux commerce » de Montesquieu. Toutefois, nous allons voir que c’est plutôt l’inverse.

Le commerce favorise la paix ?

Le commerce favorise la paix : la théorie du doux commerce

Dans De l’esprit des lois, Montesquieu fait le rapprochement entre commerce et paix :

« L’effet naturel du commerce est de porter à la paix »

Montesquieu, de l’esprit des lois

En effet, le commerce favorise la connaissance mutuelle, les voyages, les échanges avec l’autre. En conséquence, il adoucit les mœurs, tant au niveau politique qu’individuel.

« C’est presque une règle générale, que partout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce, et que partout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces »

Montesquieu, de l’esprit des lois

Il crée également des intérêts mutuels entre les nations. Si les élites commerciales du pays A font des affaires avec celles du pays B (investissements, flux), les dirigeants politiques devraient être moins enclins à briser ces liens par la guerre. En effet, les élites politiques et économiques sont souvent très liées, et la richesse procurée par le commerce bénéficie, dans certains cas, aux deux parties.

Cependant, il se trouve très aisément dans l’histoire des exemples de pays très liés par le commerce qui se sont fait la guerre. Le plus connu est celui de la Première Guerre mondiale. Les échanges entre la France et l’Allemagne étaient très élevés en 1914, ce qui n’a pas empêché le conflit. Il nous faut donc creuser plus profondément pour comprendre les relations entre commerce et guerre.

Commerce, richesse, pouvoir… et guerre

Partons du postulat que le commerce est une source de richesse, qui permet l’accroissement de la puissance de l’État qui le contrôle. Cette richesse permet en effet de construire ou renforcer sa capacité militaire : mettre sur pieds et équiper des armées et des flottes. Sur ce sujet, lire notre article Le système thalassocratique chez Thucydide.

Il est en effet aussi nécessaire de protéger cette source de richesse. Le développement des flottes de guerre va de pair avec celui du commerce. Nous avons déjà parlé de Mélos, qui se voit contrainte d’affronter les Athéniens malgré sa neutralité. Sa position géographique permettrait à quiconque la contrôle de faire peser une menace inacceptable sur le système économique athénien. Aujourd’hui, l’Occident est obligé de protéger par la guerre ses lignes de communication en mer Rouge des attaques houthies.

Ce dernier exemple montre que le commerce peut se transformer en vulnérabilité. Lorsqu’un État devient trop dépendant de son commerce pour ses approvisionnements et sa richesse, ses lignes de communication deviennent une cible. C’est de là que vient la stratégie maritime de la France aux XVIIIe et XIXe siècles. Devant la supériorité des escadres britanniques, la France se rabat sur la guerre de course. Elle cherche à entraver les approvisionnements britanniques, et à faire flamber le prix des assurances (comme aujourd’hui en mer Rouge). Sur ce sujet, lire le chapitre 6 de La Mesure de la force.

Le commerce, un intérêt parmi d’autres : il ne favorise la paix que modestement

Le commerce accroit donc la richesse, les capacités militaires et fournit une vulnérabilité à attaquer. Mais cela n’enlève rien à la pertinence de l’argument de la dépendance mutuelle, pourtant infirmé par l’expérience historique. Pourquoi ?

La question à se poser est en réalité : existe-t-il des intérêts supérieurs à ceux du commerce, qui pourraient pousser des entités politiques à entrer en guerre malgré des liens commerciaux forts ? Poser la question révèle la vanité de lier commerce et paix. L’intérêt politique demeure supérieur à l’intérêt économique.

Sans passer en revue les causes des guerres, innombrables et toujours singulières, notons simplement qu’il existe de nombreux cas dans lesquels un État aurait intérêt à entrer en guerre contre un autre malgré des liens commerciaux forts.

Ne pas honorer ses alliances possède un coût politique bien plus fort que la destruction temporaire de liens économiques. C’est une petite partie du mécanisme qui mène à la Première Guerre mondiale.

Un rapport de force avec une puissance menaçante sur le point de se renverser. L’Angleterre a longtemps fondé sa politique sur l’équilibre des puissances sur le continent européen.

Opportunité politique : la saisie d’un territoire clef peut amener des gains à long terme très supérieurs aux coûts économiques d’un conflit. C’est le calcul fait, à tort, par Saddam Hussein lorsqu’il envahit le Koweït en 1990.

Enfin, une opposition idéologique marquée n’empêche pas d’entretenir des relations commerciales. Mais ces dernières ne pèseront rien si un conflit se déclenche entre deux entités politiques aux projets politiques incompatibles. C’est le cas de l’expansion de l’Allemagne au début de la Seconde Guerre mondiale.

N.B. Beaucoup d’exemples centrés sur l’Europe et la période contemporaine. N’hésitez pas à noter en commentaire d’autres cas où l’intérêt politique a balayé l’intérêt économique… ou l’inverse.

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Pour conclure, le commerce favorise-t-il la paix ? Non, ou du moins très modestement. Faire du commerce l’agent de la paix revient à lui donner un pouvoir qu’il n’a pas. En effet, le projet politique d’une nation ne se résout pas à entretenir des bonnes relations commerciales avec ses voisins ou compétiteurs. Le commerce et la richesse sont des moyens au service d’une fin politique plus large. C’est en fonction de cette fin politique que sont déclarées les guerres. La profondeur des liens économiques ne peut donc contrebalancer qu’à la marge le poids des données politiques.

Au contraire, par son existence même le commerce favorise la guerre parce qu’il est nécessaire de le protéger contre ses concurrents, ou qu’il fournit à un adversaire une opportunité de peser par la violence sur les décisions politiques d’une nation.

Pour aller plus loin :

Sur Montesquieu : Catherine Larrère, « Montesquieu et le « doux commerce » : un paradigme du libéralisme », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique.

Sur la stratégie maritime, Hervé Coutau-Bégarie, Traité de Stratégie, Paris, Economica, 2011.

Is Iran a democracy?

Is Iran a democracy?

Since the Islamic Revolution of 1979, Iran has adopted a political system mixing democratic and theocratic elements. This duality raises the question of the true nature of the Iranian regime. Is Iran a democracy?

A formal democracy, the Iranian political system is in reality subject to the domination of unelected institutions.


A way to discover Iran that is both fun and serious: Marjane Satrapi, Persepolis.

Elected institutions

Iran’s parliament, called the Majlis , is one of the country’s key democratic institutions. It is made up of members elected by the people every four years during legislative elections. The Majlis proposes and adopts laws, and supervises the actions of the government.

However, parliament does not have direct jurisdiction over matters of foreign policy or defense. These areas fall within the sphere of influence of the Supreme Leader and bodies related to national security.

Indeed, the powers of the Majlis are limited by the Supreme Guide and the Council of Guardians. These bodies have the power to reject laws that they deem to be contrary to the Islamic Constitution or the principles of the Islamic Republic. Additionally, the Supreme Leader holds final authority over state affairs. This effectively limits the independence and effectiveness of parliament in certain political decisions.

The President of the Islamic Republic of Iran is also elected by universal suffrage every four years. Although subject to certain limitations by the Supreme Leader and the Guardian Council, the president holds significant executive powers, particularly in matters of domestic policy.


Read also What is Identity? Amin Maalouf, In the Name of Identity

Is Iran a democracy? The domination of unelected institutions

Real power in Iran, however, resides in unelected institutions, primarily the Supreme Leader. The Guide, currently Ali Khamenei, is the country’s highest political and religious leader. He is responsible for overseeing all aspects of Iranian politics, including and especially the armed forces and the judiciary.

The concept of Velayat-e Faqih, or the “rule of the religious jurist,” frames Iranian politics. It is the Guide which defines the framework within which the Islamist republic acts. The elected institutions therefore act under the supervision of the guide’s office. This notion gives the Guide superior authority, justified by his knowledge and interpretation of Islamic law. This concentration of power in the hands of a single person calls into question the democratic character of the regime.

The Guardian Council, another unelected institution, also limits Iranian democracy. It is composed of members appointed by the Guide and the head of the judiciary. The council’s task is to verify the conformity of laws with the principles of Islam and the Constitution. Among other functions, it has the function of filtering candidates for elections. It thus limits the choice of voters to candidates approved by those in power.

Human rights in question

HUMAN RIGHTS VIOLATED

Iran faces widespread international criticism over its human rights situation. The Guide restricts freedoms of expression, assembly and religion. Arbitrary arrests, torture and executions are regular. Human rights defenders, independent journalists and political opponents face persecution, with cases of prolonged detention without fair trial.

The arbitrariness of power and its brutality were at the origin of the riots which shook the country in 2022. The death of a young 22-year-old Kurd, Mahsa Amini, murdered by the moral police after her arrest, had provoked riots across the country. This violence was fueled by frustrations accumulated due to the difficult economic situation, poor governance and human rights violations.

MINORITIES POLITICALLY REPRESENTED, BUT DISCRIMINATED AGAINST

Although religious and ethnic minorities in Iran have some political representation, particularly in parliament, they still face systemic discrimination. Minorities such as Kurds, Arabs, Baluchis and Azeris regularly complain of political, economic and cultural marginalization. Discriminatory laws and restrictive policies often limit their access to employment opportunities, education and public services. Despite their presence within political institutions, these minorities continue to struggle for equal recognition and genuine representation in all aspects of Iran’s social and political life.

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Is Iran a democracy? Although Iran has some elected democratic institutions, unelected institutions largely dominate the country’s political system. The Supreme Leader holds the reality of power. Iranian democracy can only be deployed within a restricted framework determined by the Guide. It is a combination of formal democracy, theocracy and very real authoritarianism.

Biography of Carl von Clausewitz

A short biography of Carl von Clausewitz to complete our articles on « On War ».

Carl von Clausewitz biography
Carl Von Clausewitz

The Beginnings of a Brilliant Strategist

Carl von Clausewitz was born on June 1, 1780, in Burg bei Magdeburg, Prussia, into a family of the minor nobility. His early entry into the Prussian army at the age of 12 marked the beginning of a promising military career. His time at the Berlin Military Academy shaped his convictions, as he was influenced by the revolutionary ideals of France.

On the Battlefield

Carl von Clausewitz was shaped by the Napoleonic Wars. His presence on the European battlefields profoundly influenced his understanding of war and its implications.

At Jena, the Prussian army suffered a crushing defeat against the Napoleonic forces. Clausewitz witnessed the brutal collapse of a military institution he had sworn to serve. This experience confronted him with the ruthless reality of modern warfare.

His participation in the Battle of Waterloo as a Prussian staff officer allowed him to closely observe Napoleon Bonaparte’s strategy and contribute to the French emperor’s final defeat.

These battlefield experiences deeply influenced his strategic thinking. It was in the carnage of war that Clausewitz began to develop the fundamental concepts that would shape his major work, « On War ».

In Service of the Tsar

Following the fall of Prussia, Clausewitz joined Tsar Alexander I of Russia. His commitment to the tsar reflected his growing reputation as a military strategist. This period of his life was marked by efforts to modernize the Russian army. He also advised the tsar on military strategy.

After the War: Development of Clausewitzian Thought

At the end of the Napoleonic Wars, Clausewitz dedicated a significant part of his life to furthering his reflection on war and military strategy. He wrote several works and articles that enriched his thinking and expanded his influence. However, his most famous work remains « On War », albeit unfinished at his death.

Clausewitz‘s Legacy

Clausewitz died of cholera on November 16, 1831, in Breslau, Silesia, at the age of 51. He left behind a lasting legacy in the field of military strategy. His thinking continues to inspire future generations in their understanding of war and international politics. He undoubtedly occupies a place among the greatest military thinkers in history.

Marie von Clausewitz

In conclusion of our biography of Clausewitz, a word about Marie von Clausewitz. Carl’s devoted wife played an essential role in preserving and disseminating her husband’s ideas after his death. Indeed, after Carl’s passing, she took charge of the posthumous publication of « On War », an unfinished work. Her dedication to spreading Clausewitz’s ideas contributed to solidifying his place among the greatest military thinkers of all time.

After Clausewitz Biography

Also read War is the Continuation of Politics by Other Means

Biographie de Clausewitz

Voici une indispensable biographie de Clausewitz pour compléter notre mini-dossier sur De la Guerre.

Biographie de Carl von Clausewitz
Carl Von Clausewitz

Les débuts d’un stratège brillant

Carl von Clausewitz est né le 1er juin 1780 à Burg bei Magdeburg, en Prusse, au sein d’une famille de la petite noblesse. Son entrée précoce dans l’armée prussienne à l’âge de 12 ans marque le début d’une carrière militaire prometteuse. Son passage à l’Académie Militaire de Berlin façonne ses convictions. Il est en effet influencé par les idéaux révolutionnaires français.

Sur le champ de bataille

Carl von Clausewitz a été façonné par les guerres napoléoniennes. Sa présence sur les champs de bataille européens a profondément marqué sa compréhension de la guerre et de ses implications.

À Iéna, l’armée prussienne subit une défaite écrasante face aux forces napoléoniennes. Clausewitz est le témoin de l’effondrement brutal d’une institution militaire qu’il avait juré de servir. Cette expérience l’a ainsi confronté à la réalité impitoyable de la guerre moderne.

Sa participation à la bataille de Waterloo, en tant qu’officier d’état-major prussien, lui permet en outre d’observer de près la stratégie de Napoléon Bonaparte, et de contribuer à la défaite finale de l’empereur français.

Ces expériences sur le champ de bataille ont profondément influencé sa pensée stratégique. En effet, c’est dans les carnages de la guerre que Clausewitz a commencé à élaborer les concepts fondamentaux qui allaient façonner son œuvre majeure, « De la Guerre ».

Au service du tsar

Dès la chute de la Prusse, Clausewitz rejoint le tsar Alexandre Ier de Russie. Son engagement auprès du tsar témoigne de sa réputation grandissante en tant que stratège militaire. Cette période de sa vie est marquée par des efforts visant à moderniser l’armée russe. Il conseille également le tsar sur les questions de stratégie militaire.

Après la guerre : développement de la pensée clausewitzienne

A la fin des guerres napoléoniennes, Clausewitz consacre une partie importante de sa vie à approfondir sa réflexion sur la guerre et la stratégie militaire. Il écrit alors plusieurs ouvrages et articles qui contribuèrent à enrichir sa pensée et à élargir son influence. Mais son œuvre la plus célèbre reste « De la Guerre », quoi qu’inachevée à sa mort.

Le legs de Clausewitz

Clausewitz décède du choléra le 16 novembre 1831 à Breslau, en Silésie, à l’âge de 51 ans. Il laisse derrière lui un héritage durable dans les domaines de la stratégie militaire. Sa pensée continue d’inspirer les générations futures dans leur compréhension de la guerre et de la politique internationale. Il possède assurément sa place parmi les plus grands penseurs militaires de l’histoire.

L’héritage et la contribution de Marie von Clausewitz

En conclusion de notre biographie de Clausewitz, un mot Marie von Clausewitz. L’épouse dévouée de Carl, a joué un rôle essentiel dans la préservation et la diffusion des idées de son mari après sa mort. En effet, après le décès de Carl, elle prend en charge la publication posthume de « De la Guerre », oeuvre inachevée. Son dévouement à diffuser les idées de Clausewitz a donc contribué à consolider sa place parmi les plus grands penseurs militaires de tous les temps.

Au delà de la biographie de Clausewitz

En complément de cette biographie de Clausewitz, voir aussi notre mini-dossier sur De la guerre.

Comprendre pourquoi chez Clausewitz la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens

L’étonnante trinité chez Clausewitz, et pourquoi le maître décrit la guerre comme un caméléon.

La montée aux extrêmes. Guerre absolue, guerre réelle.

La friction chez Clausewitz

Le centre de gravité chez Clausewitz

Clausewitz, la guerre comme continuation de la politique par d’autres moyens

L’Iran est-il une démocratie ?

L’Iran est-il une démocratie ?

Depuis la Révolution islamique de 1979, l’Iran a adopté un système politique mêlant des éléments démocratiques et théocratiques. Cette dualité pose la question de la véritable nature du régime iranien. L’Iran est-il une démocratie ?

Démocratie formelle, le système politique iranien est en réalité soumis à la domination d’institutions non élues.


Une manière de découvrir l’Iran à la fois ludique et sérieuse : Marjane Satrapi, Persepolis.

Des institutions élues

Le parlement iranien, appelé Majlis, est l’une des institutions démocratiques clés du pays. Il est composé de membres élus par le peuple tous les quatre ans lors d’élections législatives. Le Majlis propose et adopte les lois, et supervise les actions du gouvernement.

Cependant, le parlement n’a pas de compétence directe sur les questions de politique étrangère ou de défense. Ces domaines relèvent de la sphère d’influence du Guide suprême et des organes liés à la sécurité nationale.

En effet, les pouvoirs du Majlis sont limités par le Guide suprême et le Conseil des Gardiens. Ces organes ont le pouvoir de rejeter des lois qu’ils jugent contraires à la Constitution islamique ou aux principes de la République islamique. De plus, le Guide suprême détient une autorité finale sur les affaires de l’État. Cela limite de fait l’indépendance et l’efficacité du parlement dans certaines décisions politiques.

Le président de la République islamique d’Iran est lui aussi élu au suffrage universel tous les quatre ans. Bien qu’il soit soumis à certaines limitations par le Guide suprême et le Conseil des Gardiens, le président détient des pouvoirs exécutifs significatifs, notamment en matière de politique intérieure.


Pour aller plus loin : Pierre Razoux, La guerre Iran-Irak.

L’Iran est-il une démocratie ? La domination des institutions non élues

Le pouvoir réel en Iran réside néanmoins dans les institutions non élues, principalement le Guide suprême. Le Guide, actuellement Ali Khamenei, est le plus haut dirigeant politique et religieux du pays. Il est responsable de la supervision de tous les aspects de la politique iranienne, y compris et surtout les forces armées et le système judiciaire.

Le concept de Velayat-e Faqih, ou le « gouvernement du juriste religieux », encadre la politique iranienne. C’est le Guide qui définit le cadre dans lequel agit la république Islamiste. Les institutions élues agissent donc sous la supervision du bureau du guide. Cette notion donne au Guide une autorité supérieure, justifiée par sa connaissance et son interprétation de la loi islamique. Cette concentration de pouvoir entre les mains d’une seule personne remet en question le caractère démocratique du régime.

Le Conseil des Gardiens, autre institution non élue, limite lui aussi la démocratie iranienne. Il est composé de membres nommés par le Guide et le chef du pouvoir judiciaire. Le conseil a pour tâche de vérifier la conformité des lois avec les principes de l’islam et la Constitution. Il possède entre autres fonctions de filtrer les candidats aux élections. Il limite ainsi le choix des électeurs aux candidats approuvés par le pouvoir.


Lire aussi Qui sont les Houthis ?

Les droits de l’homme en question

Des droits de l’homme bafoués

L’Iran fait face à de nombreuses critiques internationales sur la situation des droits de l’homme. Le Guide restreint les libertés d’expression, de réunion et de religion. Les arrestations arbitraires, la torture et les exécutions sont régulières. Les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes indépendants et les opposants politiques font l’objet de persécutions, avec des cas de détentions prolongées sans procès équitable.

L’arbitraire du pouvoir et sa brutalité ont été à l’origine des émeutes qui ont secoué le pays en 2022. La mort d’une jeune kurde de 22 ans, Mahsa Amini, assassinée par la police des mœurs après son arrestation, avait provoqué des émeutes dans tout le pays. Ces violences étaient alimentées par les frustrations accumulées en raison de la situation économique difficile, de la mauvaise gouvernance et des violations des droits de l’homme.

Des minorités politiquement représentées, mais discriminées

Bien que les minorités religieuses et ethniques en Iran possèdent une certaine représentation politique, notamment au parlement, elles font toujours face à des discriminations systémiques. Les minorités telles que les Kurdes, les Arabes, les Baloutches et les Azéris se plaignent régulièrement de marginalisation politique, économique et culturelle. Les lois discriminatoires et les politiques restrictives limitent souvent leur accès aux opportunités d’emploi, à l’éducation et aux services publics. En dépit de leur présence au sein des institutions politiques, ces minorités continuent de lutter pour une reconnaissance égale et une véritable représentation dans tous les aspects de la vie sociale et politique de l’Iran.


Pour aller plus loin : Yann Richard, L’Iran, de 1800 à nos jours.

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L’Iran est-il une démocratie ? Bien que l’Iran possède certaines institutions démocratiques élues, les institutions non élues dominent largement le système politique du pays. Le Guide suprême détient la réalité du pouvoir. La démocratie iranienne ne peut se déployer que dans un cadre restreint déterminé par le Guide. Il s’agit d’une combinaison de démocratie formelle, de théocratie et d’autoritarisme bien réel.

Lire aussi Pourquoi les Houthis attaquent-ils des navires en mer Rouge ?

Melos or the risk of neutrality

The fate of the island of Melos in the Peloponnesian War illustrates the risk to the weak of believing they can remain neutral when the fighting is raging all around them.

Melos or the risk of neutrality

In Book V of the History of the Peloponnesian War, Thucydides presents a dialogue between Athenian ambassadors and Melian notables (V, 84), known as the Melian dialogue, or the dialogue between Athenians and Melians.

Melos is a small island in the Aegean Sea. Its location would allow whoever ruled it to act effectively on maritime traffic. It was therefore a key position for Athens, which depended on the tribute paid by its allies (see our article The thalassocratic system in Thucydides’ History of the Peloponnesian War). The city chose to remain neutral in the war that had been raging between Sparta and Athens for 15 years.

Mélos ou les risques de la neutralité - L'empire athénien en 431 av. J.-C., juste avant le début de la guerre du Péloponnèse.
The Athenian Empire in 431 BC, just before the start of the Peloponnesian War. Map_athenian_empire_431_BC-fr.svg : Marsyasderivative work: Once in a Blue Moon, CC BY-SA 2.5, https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5, via Wikimedia Commons

In 416 BC, the Athenians felt that the neutrality of this small city represented too great a risk and decided to give it an ultimatum: submit to the Empire or see their city destroyed. After all, the Melians are also Sparta’s colonists. An edifying dialogue ensues between Athenian delegates and Melian notables.

Melos’ neutrality rejected

Melos offered to remain neutral. This argument was immediately rejected by the Athenians.

« your hostility does us less harm than your friendship: the latter would appear in the eyes of the peoples of the empire as proof of weakness, your hatred as proof of power ».

Athens based its power on the tribute it received from its subjugated cities. It therefore had to ensure that it dominated the sea routes. If it accepted that Melos should remain neutral, it opened the door to demands from other island peoples.

The heart of the Melian dialogue: right versus possible

The Athenian delegates began by dismissing the legal argument.

« we’re not going to […] use big words, saying that having defeated the Mede gives us the right to dominate, or that our current campaign stems from an infringement of our rights ».

They intend to rely on power relationships.

« If the law intervenes in human assessments to inspire a judgement when the forces are equivalent, the possible, on the other hand, governs the action of the strongest and the acceptance of the weakest ».

For the Melians, it’s submission or death, whatever their legal position. « Either we prevail in terms of the law, refusing to give in, and it’s war, or […] it’s servitude ».

Destruction of Melos

Strengthened by their right and the divine support that goes with it, the Melians chose to resist despite the power of Athens. They counted on Sparta to come to their aid.

« In the name of their own interests, they will not want to betray Melos, a colony of their own, in order to become suspect to their supporters in Greece and do their enemies a favour.

But Sparta did not make a move. After all, Melos never took their side. Melos’ position was irrational.

« Your strongest support comes from a hope for the future, and your present resources are meagre to successfully resist the forces now arrayed against you ».

After several months of siege, Melos, starving, tried to negotiate its surrender. But the Athenians proved implacable. They subjected the city to extreme violence, even for the time. They slaughtered the men, took the women and children into slavery, and then brought in their own colonists. The fate of Melos left a lasting impression on the Greek world. Because it thought it was choosing honour, relying on neutrality and help of a power that was culturally close to it, it ceased to exist.

Right, morality and power

What conclusion is to be drawn from the Melian dialogue? Not that might makes right. But that despite the rule of law, power relationships do not disappear. They must be taken into account. Morality carries little weight in the face of what a player perceives to be his vital interest. And like promises, alliances are only binding on those who believe them.


Read also Ares and Athena, Gods of War

Mélos, ou le risque de la neutralité

Le sort réservé à l’île de Mélos dans la guerre du Péloponnèse illustre le risque pour le faible de croire qu’il peut rester neutre quand les combats font rage autour de lui.

Mélos ou les risques de la neutralité

Au livre V de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucydide met en scène un dialogue entre ambassadeurs athéniens et notables méliens (V, 84), connu sous le nom de dialogue mélien, ou dialogue entre Athéniens et Méliens.

Mélos est une petite île de la mer Égée. Sa localisation permettrait à qui la dirige d’agir efficacement sur le trafic maritime. C’est donc une position clef pour Athènes qui dépend des tributs versés par ses alliés (voir notre article Le système thalassocratique chez Thucydide, dans l’Histoire de la guerre du Péloponnèse). La cité a choisi de rester neutre dans la guerre qui oppose Sparte à Athènes depuis 15 ans.

Mélos ou les risques de la neutralité - L'empire athénien en 431 av. J.-C., juste avant le début de la guerre du Péloponnèse.
L’empire athénien en 431 av. J.-C., juste avant le début de la guerre du Péloponnèse. Map_athenian_empire_431_BC-fr.svg : Marsyasderivative work: Once in a Blue Moon, CC BY-SA 2.5, https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.5, via Wikimedia Commons

En 416 av. J.-C., les Athéniens estiment que la neutralité de cette petite cité représente un risque trop grand et décident de lui adresser un ultimatum : se soumettre à l’empire ou voir leur ville détruite. En effet, les Méliens sont aussi les colons de Sparte. Un dialogue édifiant s’engage alors entre délégués athéniens et notables méliens.

La neutralité de Mélos rejetée

Mélos propose de conserver sa neutralité. L’argument est immédiatement rejeté par les Athéniens.

« votre hostilité nous fait moins de tort que votre amitié : celle-ci ferait paraître aux yeux des peuples de l’empire une preuve de faiblesse, votre haine, une [preuve] de puissance ».

Athènes fonde sa puissance sur le tribut fourni par les cités soumises. Elle doit donc s’assurer de dominer les routes maritimes. Si elle accepte que Mélos demeure neutre, elle ouvre la porte aux revendications des autres peuples insulaires.

Le cœur du dialogue mélien : droit contre possible

Les délégués athéniens commencent par évacuer l’argument du droit.

« nous n’allons pas […] recourir à de grands mots, en disant que d’avoir vaincu le Mède nous donne le droit de dominer, ou que notre campagne présente vient d’une atteinte à nos droits ».

Ils comptent s’appuyer sur les rapports de force.

« Si le droit intervient dans les appréciations humaines pour inspirer un jugement lorsque les pressions (forces, NDLR) s’équivalent, le possible règle, en revanche l’action des plus forts et l’acceptation des plus faibles ».

Pour les Méliens, c’est la soumission ou la mort, quelle que soit leur position au regard du droit. « Ou bien nous l’emportons sur le plan du droit, nous refusons pour cela de céder, et c’est la guerre, ou bien […] c’est la servitude ».

Destruction de Mélos

Forts de leur droit et de l’appui divin qui l’accompagne, les Méliens choisissent de résister malgré la puissance d’Athènes. Ils comptent sur Sparte pour leur venir en aide.

« au nom de leur propre intérêt, ils ne voudront pas trahir Mélos, une colonie à eux, pour devenir suspects à leurs partisans en Grèce, et rendre service à leurs ennemis ».

Mais Sparte ne bouge pas. Après tout, Mélos n’a jamais pris leur parti. La position de Mélos était irrationnelle.

« Vos plus forts appuis relèvent d’un espoir relatif au futur, et vos ressources présentes sont minces pour résister avec succès aux forces dès maintenant rangées contre vous ».

Au bout de plusieurs mois de siège, Mélos, affamée, tente de négocier sa reddition. Mais les Athéniens se montrent implacables. Ils soumettent la ville à une violence extrême, même pour l’époque. Ils massacrent les hommes, emmènent les femmes et les enfants en esclavage, puis acheminent leurs propres colons. Le sort réservé à Mélos marquera durablement les esprits dans le monde grec. Parce qu’elle a cru choisir l’honneur, en comptant sur la neutralité et le secours d’une puissance culturellement proche d’elle, elle a cessé d’exister.

Le droit, la morale et la puissance

Quelle conclusion tirer du dialogue mélien ? Non pas que la force fait le droit. Mais que malgré le règne du droit, les rapports de force ne s’effacent pas. Ils doivent être pris en compte. La morale pèse en effet peu de poids face à ce qu’un acteur perçoit comme son intérêt vital. Et que comme les promesses, les alliances n’engagent que ceux qui y croient.


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Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse.

Who are the Houthis ?

Yemen has been the scene of complex conflicts and political upheavals. At the heart of this tumult are the Houthis, a rebel group that has emerged as a major player on the Yemeni political scene.

Houthis

Today, the Houthis control a large part of Yemeni territory, including the major port of Hodeïda. Their economic and military power enables them to keep the internationally recognized government at bay.

Who are the Houthis?

The Houthis are a political and religious movement from northern Yemen, in the Saada region. Founded in the late 1990s by Hussein Badreddin al-Houthi, the movement takes its name from the Houthi family. They still play a central role in the movement’s decision-making. Initially, the Houthis were a Zaydi movement, a branch of Shiism. They subsequently evolved into a political and military force capable of competing with the government.

Their rise to power has been fueled by a mixture of political, economic and religious grievances. Indeed, the Houthis opposed the political and economic marginalization of Yemen’s northern regions. They criticized the central government for its corruption and alignment with foreign powers, notably Saudi Arabia and the United States.

Houthi ideology

Their ideology is imbued with strong anti-imperialist and anti-American sentiment, as well as fervent Yemeni nationalism. The Houthis have also adopted a religious discourse, presenting themselves as defenders of the interests of the Zaydites and the oppressed against outside forces and corrupt elites.

The Houthis belong to the Zaydi branch of Shi’ism, one of the main schools of thought in Shi’ite Islam. Zaydism is widespread mainly in Yemen, where it makes up the majority of the population in the northern regions.

This branch of Shi’ism is distinguished by its interpretation of the succession of the Prophet Muhammad and its emphasis on social and political justice. The Zaydites believe that an Imam descended directly from the Prophet Muhammad should lead the Muslim community. He must be chosen on the basis of merit and piety, rather than dynastic lineage.

Although the Houthis are strongly rooted in the Zaydi tradition, their discourse and actions go far beyond religious issues to encompass broader political and social concerns.

Abd el Malek Al Houthi, the charismatic leader of the Houthis, embodies this fusion of religiosity and political commitment. His followers revere him as both a religious leader and a political guide. He unites the two dimensions of authority in the Zaydi tradition. His speeches are imbued with religious references and Koranic verses. They reinforce his status as a spiritual leader while articulating a political vision for Yemen.

The Houthis in a position of strength in Yemen

Yemen has been in the grip of civil war since 2014. The Houthis took control of the capital, Sanaa, in 2014. They overthrew the Saudi-backed government and forced the Yemeni president, Abdrabbuh Mansur Hadi, into exile. Since then, Yemen has been plunged into a violent and devastating conflict, exacerbated by the military intervention of the coalition led by Saudi Arabia and the United Arab Emirates in support of Hadi’s government.

The Houthis have succeeded in resisting the Arab coalition’s offensives and consolidating their hold on large swathes of Yemeni territory, including Sana’a and other key regions. Their stubborn resistance and ability to mobilize broad popular support have enabled them to remain a key political player despite international pressure and coalition attempts to oust them from power.

Houthi-controlled zone in Yemen (2022)
Houthi-controlled zone in Yemen (2022)

Today, they have considerable military power. The Houthis are not a rag-tag rebellion. On the contrary, they have taken over the resources, weapons and know-how of the regular army in the areas they control. Some of the military personnel who served the regime have been transferred to the Houthis as part of their territorial conquests. They simply need to feed their families. Today, the Houthis are capable of producing and deploying sophisticated weaponry. What’s more, they benefit from the support of Iran. The port of Hodeïda also provides them with substantial revenue. This enables them to sustain their war effort.

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The Houthis continue to play a central role in Yemeni politics, defying the expectations and forecasts of many international observers. Their meteoric rise and resilience in the face of external pressures testify to the complexity and depth of the political and social dynamics shaping the contemporary Yemeni landscape.


Pourquoi l’industrie de défense française peine à soutenir l’Ukraine

Dans une interview télévisée du 14 mars 2024, le Président français a reconnu que la France n’avait pas « une industrie de défense adaptée à une guerre de haute intensité territoriale ». En effet, les entreprises françaises peinent à soutenir massivement l’Ukraine. Ainsi, la France et l’Europe connaissent des difficultés pour produire des obus d’artillerie, pourtant nécessaires en grande quantité en Ukraine. Pourquoi l’industrie de défense française peine-t-elle autant à soutenir l’Ukraine, alors que Paris est devenu le deuxième exportateur d’armes au monde ?

Canon Caesar en Irak. Ce type de matériel fait merveille en Ukraine. Pourtant, l'industrie  de défense française peine à soutenir Kiev.
Canon Caesar en Irak. Ce type de matériel fait merveille en Ukraine. Pourtant, l’industrie de défense française peine à soutenir Kiev.

En cause, le modèle d’armée que soutient cette industrie. L’industrie de défense française produit du matériel de haute technologie, cher, en petit nombre.

Arme nucléaire et armée de masse

La sanctuarisation du territoire français rend inutile une armée de masse.

La France est une puissance nucléaire. Ses intérêts vitaux, au premier desquels son territoire, sont sanctuarisés par la dissuasion. Elle n’a donc plus besoin d’une armée de masse, de conscrits.

Les armées contribuent à la sûreté du territoire contre les attaques terroristes, qui ne peuvent être évitées grâce à la dissuasion. Mais c’est sur la masse de la police que repose surtout cette protection dans ce cas précis.


Pour aller plus loin sur la dissuasion : amiral Pierre Vandier, La dissuasion au troisième âge nucléaire, Monaco, éditions du Rocher, 2018. Si vous achetez le livre grâce à ce lien, vous faites vivre le site.

Une armée expéditionnaire

Son armée lui sert donc bien davantage à protéger ses intérêts à l’étranger.

Elle utilise ses forces armées pour réduire la menace terroriste qui pèse sur elle depuis l’étranger. Par exemple, les armées françaises ont activement contribué à réduire la capacité de nuisance de Daech en Irak. Elles défendent aussi les intérêts économiques de la nation, en protégeant des Houthis les navires qui transitent par le détroit de Bab el-Mandeb.

Elle a donc besoin d’une force facilement capable de se projeter à l’étranger et de s’y maintenir. Cela implique une taille limitée par les moyens de projection et de soutien détenus (navires, avions de transport stratégiques…).


Pour aller plus loin sur le modèle d’armée : Guy Brossolet, essai sur la non-bataille. Si vous achetez le livre grâce à ce lien, vous faites vivre le site.

Haute technologie

Sanctuarisation du territoire et capacité de projection de puissance font donc converger le modèle d’armée français vers une armée de taille limitée.

Pour garder sa supériorité malgré cette taille réduite, l’armée française a donc besoin d’hommes supérieurement entraînés, capables de manier des systèmes d’armes complexes, de haute technologie.

Cet équipement à la pointe de la technologie est évidemment très onéreux, en partie parce qu’il est produit en petites séries. Par exemple, un simple obus de 155 mm « de base » coûte environ 5000 euros. Les délais de production sont par ailleurs assez longs. Il faut compter deux ans de fabrication pour un canon Caesar.

Cela explique aussi que la base industrielle et technologique de défense (BITD) soit forcée d’exporter pour survivre. Le marché français n’est simplement pas assez grand pour garantir la pérennité d’entreprises privées.

Une industrie de défense peu adaptée à la guerre de masse

La BITD française produit donc des équipements très efficaces, mais très chers, et en nombre réduits. Or, quels sont les besoins des Ukrainiens ? De l’armement en nombre, des obus en masse, facilement utilisable par des conscrits ayant au mieux quelques semaines de formation.

La BITD française n’est donc tout simplement pas configurée pour soutenir l’Ukraine dans une guerre de masse, territorialisée.

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Les enjeux de défense ne sont pas les mêmes pour Paris ou Kiev. La BITD française soutient une armée de taille réduite, qui utilise des équipements de haute technologie, très onéreux, en petit nombre. Or, c’est tout l’inverse dont ont besoin les Ukrainiens. Équipements simples, abordables, en grand nombre.

C’est donc un virage à 180° que l’on demande, en un temps très court, à notre BITD. Elle n’est effectivement pas configurée pour la guerre de masse.

Toutefois, ce virage pourrait être pris plus vite qu’on ne le croit. L’Europe s’organise pour optimiser son aide à l’Ukraine. Ainsi, la France a pris la tête de la « coalition artillerie » qui met en contact les industriels et les besoins ukrainiens. Mais surtout, d’une manière particulièrement cynique, les entreprises de défense sont des entreprises privées. Elles peuvent espérer faire des profits très importants en Ukraine, tant les Européens sont prêts à sortir leur carnet de chèques. Nul doute qu’elles sauront s’adapter pour capter les milliards qui sont en jeu.

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