Fétiche, totem, coup de génie, la « formule » (Aron) de Clausewitz, « la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens » est tantôt portée aux nues, tantôt vouée aux gémonies par les stratégistes.
Nous voici venus au bout de notre voyage clausewitzien. N’hésitez pas à prendre connaissance de nos autres articles sur les concepts introduits par le maître dans De la guerre. Nous conseillons de lire celui sur la guerre absolue avant de poursuivre.
Il est donc temps de nous y frotter, à cette formule.
La guerre est soumise à la politique
L’ambition de Clausewitz qui ouvre De la guerre est la volonté d’analyser le phénomène guerre. « Nous nous proposons d’examiner d’abord la guerre dans chacun de ses éléments, puis dans chacune de ses parties et enfin dans son entier, c’est-à-dire dans la connexion que ces parties ont entre elles » (p. 27).
C’est donc logiquement avec la proposition d’une définition que débute la réflexion. « La guerre est donc un acte de force par lequel nous cherchons à contraindre l’adversaire à se soumettre à notre volonté » (p. 27). Il y a loin de cette définition à la formule. Suivons le raisonnement du maître.
Notion de but politique
L’usage de la force — et de la violence — est indissociable de la guerre. Mais la force n’est qu’un moyen au service d’un but politique. Or, comme la seule manière d’atteindre ce but, c’est « de mettre l’ennemi hors d’état de se défendre » (p. 28), le but politique ne peut être atteint que si le but militaire est atteint. Par la mécanique de la montée aux extrêmes, le but politique devrait disparaître d’un horizon dominé par le déchaînement incontrôlable de la violence. Cependant, cette montée aux extrêmes n’est que théorique, et dans la réalité, les belligérants calculent et bornent leurs actions en fonction de leur « but politique ».
La guerre est donc soumise à la politique. C’est une des thèses majeures de l’œuvre. C’est aussi l’un des sens de la formule de Clausewitz, la guerre comme continuation de la politique par d’autres moyens. Elle n’impose pas sa logique à la politique.« C’est donc le but politique […] qui détermine le résultat à atteindre par l’action militaire ainsi que les efforts à y consacrer ». La seule exigence que puisse avoir la guerre, c’est que l’objectif politique soit compatible avec l’emploi de la force armée. Clausewitz n’est pas le théoricien de la guerre totale, dans laquelle la raison politique devrait s’effacer devant les impératifs de la guerre (ça, c’est Ludendorff).
En revanche, la masse d’efforts à fournir (c’est à dire le niveau ou l’on fixe le but militaire) pour atteindre le but politique dépend des relations préexistantes entre les belligérants. Par exemple (cet exemple est le nôtre et ne figure pas dans l’œuvre), conquérir une province voisine peut très bien se faire sans coup férir, s’il s’agit juste pour la population concernée de changer de tyran. Mais si les passions des peuples sont déjà exacerbées, cette conquête peut mener à une guerre longue et cruelle.
Or, si la guerre est le moyen d’atteindre un but politique, il faut donc reconnaître qu’elle n’est pas un élément extérieur séparé de la politique : elle n’est que sa continuation. Guerre et politique sont de même nature, il n’y a pas de rupture entre elles.
Le sens de la formule (encore une fois, si vous avez trouvé ce jeu de mots génial, tipez ici !)
À proprement parler, la « formule » n’est pas une définition de la guerre. Elle est davantage une caractérisation. C’est la mise en évidence de deux traits dominants de la guerre qui est le point de départ de la démarche analytique de Clausewitz.
Quelle est cette « politique » dont il est question ?
Pour Martin Van Creveld, dans La transformation de la guerre, Clausewitz n’entend par politique que les relations entre États fondées sur des intérêts et des calculs rationnels. La formule ne permettrait alors pas de rendre compte de la participation de groupes non étatiques à la guerre ni des conflits ou l’un des camps lutte pour sa survie.
Il est évident qu’elle n’aurait pas eu une telle postérité si le terme « politique » devait se comprendre dans un sens aussi restreint.
Certes, Clausewitz se concentre dans De la guerre sur les guerres entre États, ou en leur sein. Et pour causes, ce sont les seules qu’il connaisse. Cependant, lorsqu’il décrit la guerre dans son essence, dans le livre Un, il semble bien prendre en compte la possibilité de conflits politiques en dehors de l’État. « Entre communautés humaines, et notamment entre nations civilisées, la guerre nait toujours d’une situation politique et poursuit un but politique » (p. 44). Sans surprise, Clausewitz considère ici la nation — et en l’occurrence l’État — comme une forme « civilisée » d’organisation humaine, celle qui prévaut en Europe. Mais il envisage aussi qu’il puisse exister d’autres types d’organisation, d’autres types de « communautés humaines ». Nous retiendrons donc comme « politique » les modalités de cohabitation entre et au sein de communautés humaines (c’est notre définition. Elle ne figure pas dans l’œuvre).
Quant à la lutte pour la survie qui s’opposerait aux guerres « politiques » menées selon des « intérêts », Clausewitz avait prévu une telle critique.
Il constate que les guerres peuvent être d’intensité différente, de la guerre d’extermination à la guerre menée pour de froids intérêts. Il reconnaît que leur rapport à la politique semble, en première analyse, de nature différente en fonction de cette intensité. « Plus les motifs qui portent à la guerre ont d’ampleur et de puissance, plus la situation politique qui la précède est tendue, plus l’existence des peuples qui y prennent part s’y trouvent engagée, et plus la guerre elle-même se rapproche de sa forme abstraite […] et semble se soustraire à l’autorité de la politique pour ne suivre que ses propres lois : le but militaire et l’objectif politique deviennent identiques. Mais par contre, plus les motifs qui président à la guerre et les tensions qui la précèdent sont faibles, et plus le but politique s’écarte du déchaînement de violence inhérent à la guerre, de sorte que, obligée de dévier elle-même de la direction qui lui est naturelle pour se conformer à celle qu’on lui impose, celle-ci […] en arrive enfin à ne sembler être exclusivement qu’un instrument de la politique. » (pp. 45 – 46, c’est moi qui souligne.)
Cependant, il corrige immédiatement ce point de vue erroné : « toutes les guerres doivent être considérées comme des actes politiques ». Si les buts politique et militaire se confondent, l’un n’absorbe pas l’autre. Une guerre d’extermination (Clausewitz semble ici la penser comme mutuelle) est aussi un fait politique, bien qu’extrême : elle apparaît comme légitime et nécessaire à au moins un des deux camps.
Ensuite, quels sont ces « autres moyens » ?
La réponse de Clausewitz serait immédiate : la violence, l’effusion de sang. Elles sont une des caractéristiques intrinsèques de la guerre. « Pour définir la guerre sans tomber dans la pesanteur, nous nous en tiendrons à ce qui en constitue l’élément primordial, le combat singulier » (p. 27). Pour lui, il est illusoire de concevoir une guerre sans violence ni combat. « Selon certains philanthropes, il existerait quelque méthode artificielle, qui, sans effusion de sang, permettrait de désarmer l’adversaire ou de le réduire. […]. Si généreuse cependant que soit cette idée, elle n’en constitue pas moins une erreur à combattre » (p. 28).
Ces deux éléments nous amènent à recomposer la caractérisation de la guerre introduite par Clausewitz, pour proposer une définition de la guerre qui nous semble en accord avec sa formule. La guerre serait un affrontement armé et sanglant entre groupes humains, ayant pour objet la modification par la force leurs modalités d’existence commune, y compris par l’anéantissement de l’un des groupes.
Il va désormais s’agir de vérifier si cette définition résiste à la critique, et si elle est d’une quelconque utilité pour agir au sein du phénomène guerrier.
La guerre peut-elle n’être pas de nature politique ?
Refermons maintenant ces pages noircies par les annotations, cornées par les nuits de veille et d’étude, pour ce lieu de bruit et de fureur, cet espace de violence et de peur (non, pas la salle d’examen) : le champ de bataille, contemporain ou antique, rempli de drones ou de combattants aztèques, augmenté d’espaces immatériels et spirituels, et pour tout dire, sacrément confus (puisque vous n’avez pas lu l’intégralité des ouvrages sur la liste de lecture de l’école de guerre, il ne peut que vous apparaître comme sacrément confus).
Nous avons vu comment selon Clausewitz la guerre est de nature politique, terme que nous entendons comme les modalités de cohabitation entre et au sein de groupes humains. Soumettons cette hypothèse à un bombardement intellectuel et tentons de l’infirmer.
Motifs de guerre apparemment autres que la politique
Les motifs d’une guerre peuvent être divers : politiques, certes, mais aussi religieux, juridiques, culturels, économiques… Pourtant la guerre ne pourrait pas être d’une autre nature que politique ?
Il est clair que la plupart des conflits peuvent être qualifiés de politiques, au sens de notre définition. Une guerre pour imposer à une autre partie des modalités de commerce, comme les guerres de l’opium (mais ce n’était bien évidemment pas le seul motif de ces guerres) appartiennent bien à notre définition des modalités de cohabitation. Il en va de même des guerres menées pour des raisons juridiques ou morales. Les institutions et conceptions juridiques, quelles que soient les époques, gravent dans le marbre les relations que doivent avoir entre elles les communautés. Quant a imposer ses impératifs moraux par la guerre, on est encore dans l’imposition d’une norme à l’adversaire.
Les conflits religieux sont aussi politiques
Le conflit religieux est lui aussi un conflit de nature politique, même si cela peut paraître contre-intuitif. Imaginons un conflit dont les motivations sont purement spirituelles (ce type de conflit est probablement une impossibilité tant les raisons qui sont à l’origine d’une guerre sont nombreuses, diverses et profondes. Mais imaginons une guerre purement religieuse). Plusieurs belligérants s’affrontent pour faire reconnaître le bien-fondé de leur compréhension d’une doctrine religieuse (ou philosophique). Il s’agit déjà dans le politique, de façon de vivre et de cohabiter au jour le jour. Le camp qui l’emportera aura réussi à imposer par la force aux vaincus sa manière de croire : il aura redéfini les modalités de cohabitation avec ses adversaires.
On a pu avancer comme guerres non politiques les guerres menées par les Aztèques à leurs voisins. Elles auraient été de nature religieuse, car elles ne visaient qu’à faire des captifs devant être sacrifiés aux dieux. Cependant, la véritable question réglée par la guerre était de savoir qui devait fournir les suppliciés. Une fois un village soumis, il devait un certain nombre d’individus à sacrifier en tribut. Si le motif de la guerre était bien religieux (faire des captifs), sa nature, elle, restait politique. Il s’agissait de créer et maintenir un système de domination entre groupes humains.
Ensuite, quid de l’honneur ? Un conflit armé entre groupes humains motivé par l’honneur n’est pas qualifié de guerre. Elle sera considérée comme une vendetta, ou un cycle de violence. Il nous parait inconcevable que deux entités politiques se fassent la guerre pour une question d’honneur. Toutefois, dans d’autres sociétés, d’autres cultures, d’autres temps, cette notion est tout à fait envisageable. Selon cette hypothèse, l’affrontement armé aurait alors lieu non pas pour définir les modalités de coexistence, mais corriger un déséquilibre introduit dans la cohabitation entre les groupes par une des parties. En ce sens, on peut encore, à l’extrême limite, conclure à la nature politique de cette violence armée.
Cependant, le conflit ne peut alors pas avoir d’objectif politique. Il s’agit de vaincre l’autre dans une mesure qui n’est pas définie, jusqu’au point où l’équilibre sera considéré comme rétabli et acceptable par les parties au conflit.
La guerre comme culture
En dernière analyse, la seule circonstance dans laquelle la guerre pourrait n’être pas de nature politique est si elle est une culture.
Nous ne parlons pas ici de conflit de culture, au sens où une partie essaierait d’imposer sa culture à l’autre par la force. Cela rentrerait dans notre définition de la politique. Nous parlons de la guerre comme culture, comme mode de vie.
Selon John Keegan dans Histoire de la guerre, la force des peuples cavaliers des steppes était d’avoir la guerre comme mode de vie, de ne vivre que pour et par le combat. S’il est probable que cette position doive être nuancée, force est de constater que si la guerre peut être un mode de vie pour un peuple entier (à bien différencier d’une simple profession), alors elle n’est pas nécessairement la continuation de la politique. Elle ne redéfinit pas les modalités de cohabitation, car elle est la seule façon possible de cohabiter. Elle est la politique.
Or, si l’on peut considérer qu’elle reste de nature politique, elle ne sert plus à résoudre un conflit. Cela met au jour le présupposé clausewitzien, qui n’est pas dans le caractère politique de la guerre, mais dans les « autres moyens ». Au fond, Clausewitz conçoit la guerre comme un moyen violent de résoudre un conflit entre deux groupes humains. En ce sens, si elle ne peut être détachée de la politique, elle n’a cependant d’autre finalité que sa propre disparition au profit d’un nouvel ordre politique reconnu. Elle est par nature un état transitoire de la politique. Si au contraire la violence armée organisée n’est pas un moyen, mais une culture, elle cesse d’être un moyen et perd son caractère transitoire pour devenir un état d’équilibre.
Cela dit, le fait que la guerre puisse être une culture n’est qu’une hypothèse, une construction intellectuelle. Aujourd’hui, aucun peuple sur terre ne possède cette culture-guerre.
Comment traiter la violence armée qui n’est pas de nature politique ?
Manifestement, toute violence armée organisée n’est pas de nature politique, et toute violence n’est pas organisée. Grâce à la formule de Clausewitz, nous pouvons clairement délimiter le périmètre de la guerre au sein de celui de la violence. Sans cette dimension politique, n’importe quel affrontement entre bandes pourrait être qualifié de guerre.
La notion de politique permet de distinguer au sein des violences armées organisées ce qui est une guerre et ce qui ne l’est pas.
Criminalité organisée
Prenons des criminels, qui agissent en bande organisée soit contre leurs rivaux, soit contre l’ordre établi. Lorsqu’ils agissent pour des raisons pécuniaires (braquage de fourgons, assassinats de concurrents…), personne ne songerait à parler de guerre. Dès qu’il s’agit de décider de la prééminence entre gangs, ou de déterminer qui contrôle un territoire, la violence prend une tournure politique et le terme de guerre surgit, à juste titre. Le cas est encore plus éloquent lorsqu’il s’agit de résistance organisée aux forces de l’ordre pour conserver l’administration parallèle d’un territoire, comme c’est le cas de certains combats que mènent les cartels mexicains contre la police. Nous sommes bien là en face d’une guerre.
Moyens criminels et revendication politique
À l’inverse, si une organisation se sert de moyens criminels pour servir sa cause politique, nous pourrons bien sûr parler de guerre. Une prise d’otage effectuée par un groupe qui cherche uniquement à jouir de la rançon ne peut pas être considérée comme un acte de guerre. En revanche, si cette prise d’otage sert à financer des actions violentes qui ont pour but de modifier les rapports de force politiques, ou simplement de revendiquer une position politique, il s’agira bien d’un acte de guerre, tout illégitime qu’il soit dans la conception occidentale de la guerre.
La notion de politique permet de distinguer ce qui au sein des violences armées, organisées et sanglantes doit être qualifié de guerre et ce qui ne le peut pas.
Il ne s’agit pas là d’entrer dans un raisonnement circulaire qui expliquerait que puisque la guerre est politique, les violences apolitiques ne sont pas de la guerre, ce qui prouverait que la guerre est politique. Il s’agit de montrer que la formule de Clausewitz, selon laquelle la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens, permet de structurer la perception de la violence armée organisée, et de mettre en place des réponses adaptées.
Applications contemporaines
Finalement, en quoi la formule va-t-elle nous être utile pour comprendre la guerre ?
Si, comme le pense Clausewitz, la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens, alors nous pouvons éviter deux écueils dans lesquels semble prise la perception commune de la guerre aujourd’hui en Occident.
Repolitiser la guerre
Premièrement, la guerre n’est pas (qu’) une affaire de technique ou de performance. Les pays occidentaux ont pu avoir tendance à considérer que le déploiement et l’emploi de la force armée étaient à même de remporter une guerre grâce à leur formidable capacité à tuer, avant de s’étonner d’avoir à mener des guerres éternelles contre un ennemi qui n’en finissait plus d’être détruit. Nos piètres résultats en contre-insurrection sont un résultat de la dépolitisation de la guerre.
En effet, si détruire les forces armées adverses est bien une action nécessaire pour abattre la volonté d’un État, que peut notre capacité de destruction quand l’ennemi n’est plus un État ? Face à des groupes dont les membres ont jugé inacceptables leurs conditions d’existence au point de risquer leur vie en luttant contre l’ordre établi, tant que les conditions qui ont initié l’insurrection ne changent pas, il est illusoire d’espérer remporter quelque victoire que ce soit. Entre États, les conditions politiques du conflit changent en même temps que les rapports de force militaires, pas dans la guerre asymétrique.
Leviers d’action non militaires
Et cela va plus loin : puisque par définition le rapport de force est asymétrique, l’action militaire ne peut pas porter d’effet déterminant, de quels autres leviers, politiques ou économiques disposons-nous, pour influer sur le cours de nos guerres étrangères ? Si la guerre est effectivement une chose trop sérieuse pour être laissée à des militaires, encore faut-il que des moyens d’action non militaires existent.
Enfin, présenter une intervention armée comme solution technique à un problème stratégique, ou pire, moral, ne permet pas de donner à l’adversaire sa juste valeur. Il est réduit au rang de terroriste ou de criminel. Et on ne négocie ni avec l’un ni avec l’autre. Sans remettre le politique au cœur de la guerre, pas de paix possible, seulement des guerres longues et la défaite.
Guerre économique, commerciale, de l’information
Deuxièmement, mettre au cœur du phénomène guerre l’effusion de sang permet de mieux appréhender le mécanisme des relations internationales, en distinguant la guerre de ce que le général Poirier appelait « commerce compétitif ».
En effet, on ne compte plus aujourd’hui les interventions sur la « guerre économique », la « guerre de l’information », la « guerre commerciale » ou la « cyberguerre ». Or, si l’on juge ces « guerres » à l’aune de notre définition et de la formule, il est hors de propos de parler de guerre : le sang ne coule pas.
Guerre, tension, compétition
À quoi correspondent donc ces expressions ? À une tentative de comprendre un état de tension qui semble incompatible avec l’état de paix. Dans Stratégie théorique II, le général Poirier explique que la concurrence entre les projets politiques des différents acteurs sociopolitiques mène à un état de tension perpétuelle qu’il nomme « commerce compétitif ».
Les guerres économiques ou de l’information sont en fait consubstantielles aux relations internationales et à l’état de paix. Les percevoir comme des guerres ne peut qu’obscurcir le jugement et mener à des décisions irrationnelles et contre-productives.
Rajouter un adjectif après « guerre » donne l’impression d’une analyse fine, voire d’une découverte. Ce n’est pourtant souvent que rajouter de la confusion, tant dans la compréhension du phénomène guerrier, qui est par nature changeant, tel le fameux caméléon, que dans celle de l’état de paix, qui n’est autre qu’une rude compétition que seule l’effusion de sang distingue de la guerre.
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La célèbre formule de Clausewitz, « la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens », est souvent attaquée, mais n’a jamais été détrônée. Elle est une tournure simple qui nous rappelle que la guerre est de nature politique, qu’elle n’est donc pas autonome, et qu’elle se caractérise par la violence armée organisée avec effusion de sang.
Elle permet d’y voir un peu plus clair dans le monde d’aujourd’hui (rappelons que pour ceux qui n’ont pas épuisé la totalité de la liste de lecture de l’école de guerre, le monde est confus), mais aussi de dresser des garde-fous pour délimiter ce qu’elle peut accomplir, et par-dessus tout, ce qu’elle ne peut pas faire.
« La guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens »
Carl von Clausewitz, de la guerre, Livre Un, Chap. 1, § 24, p. 45
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Voir notre mini-dossier sur Clausewitz.
L’étonnante trinité chez Clausewitz, et pourquoi le maître décrit la guerre comme un caméléon.
La montée aux extrêmes. Guerre absolue, guerre réelle.
Le centre de gravité chez Clausewitz
Clausewitz, la guerre comme continuation de la politique par d’autres moyens