Qu’est-ce que l’identité ? Amin Maalouf, les identités meurtrières

Qu’est-ce que l’identité ? Amin Maalouf, les identités meurtrières.
Les armes et la toge.

Qu’est-ce que l’identité ? Dans Les identités meurtrières, le romancier Amin Maalouf nous livre son analyse. Il s’emploie à comprendre pourquoi, partout dans le monde, des gens tuent au nom de leur identité. 

Qu'est-ce que l'identité ? Amin Maalouf les identités meurtrières. Les armes et la toge.

L’identité comme somme des sentiments d’appartenance

Alors, qu’est-ce que l’identité ? C’est ce qui fait que je ne suis identique à personne d’autre. Elle est constituée de différents sentiments d’appartenance dont la combinaison est unique. Ce sont par exemple la classe, la couleur de peau, la religion, la langue, la nationalité, le pays de naissance… L’individu ressent ces sentiments d’appartenance distincts comme un tout.

Nous devons en outre composer avec un héritage double. L’héritage vertical est celui de nos aïeux. Nos familles, nos proches, nous transmettent des habitudes, des traditions. L’héritage horizontal est celui de nos contemporains. Nous vivons dans une époque qui possède son mode de vie et sa vision du monde propre. C’est cet héritage qui s’avère le plus significatif dans nos comportements.

L’identité n’est pas innée, mais acquise. Elle « se construit et se transforme tout au long de l’existence ». Par exemple, naître noir n’a pas le même sens en Zambie ou aux États-Unis. La religion n’aura pas la même importance dans son identité si l’on grandit en France, en Irak ou en Inde. L’influence d’autrui revêt donc une importance clef dans le développement de l’identité.

Cette influence s’avère en effet au fondement de la perception des sentiments d’appartenance et de leur hiérarchisation. Leur origine se trouve dans les blessures causées par les différences soulignées par autrui. On a tendance à se reconnaître dans la plus attaquée de ses appartenances.

Néanmoins, la hiérarchie des sentiments d’appartenance peut évoluer dans le temps. Celui qui dans les années 80 se disait avant tout Yougoslave a pu dans les années 90 se sentir d’abord musulman. De nos jours, il se réclamerait davantage de la nation bosniaque.


Lire aussi, Qu’est-ce qu’une civilisation, selon Fernand Braudel.

Religion et identité

Aujourd’hui, sur la planète entière, et particulièrement dans le monde arabe, hommes et femmes se focalisent sur leur appartenance religieuse.

La religion comble en réalité deux besoins : le besoin de spiritualité et le besoin d’appartenance. Mais, pour beaucoup la foi constitue le cœur de l’identité.

Cela s’explique par la fin des modèles communistes en Europe et nationalistes dans le monde arabe, mais aussi par le fait que l’Occident doute de lui-même.

Le paradigme religieux reste donc aujourd’hui la seule offre politique crédible dans le monde arabe. De là, la confession devient comme une évidence le composant clef de l’identité. Ce retour du religieux est pourtant un phénomène historiquement borné, causé par des facteurs essentiellement politiques.

Conception « tribale » de l’identité et identités meurtrières

Il peut être tentant de considérer qu’une appartenance domine toutes les autres et s’impose comme l’identité. Cependant, ramener un individu à une identité essentielle réduit les relations avec les autres au « nous » face au « eux ». Ceux qui souhaitent tenir compte de tous les sentiments d’appartenance sont alors considérés comme des traîtres ou des tièdes.

Lorsque cette identité « tribale » est attaquée, la solidarité s’installe parmi ceux qui partagent ce sentiment d’appartenance. La conviction de se trouver en légitime défense s’implante alors dans des communautés où seuls les chefs les plus déterminés peuvent se faire entendre. C’est le mécanisme qui mène à la violence identitaire, aux identités meurtrières.

Mondialisation et identité

Ces rapports identitaires sont exacerbés par la mondialisation. Elle se caractérise par une circulation des connaissances plus rapide que leur création. L’humanité se dirige donc vers une société globalisée de moins en moins différenciée. Nous avons de plus en plus de choses en commun : cela nous pousse à affirmer notre diversité.

De plus, elle s’accompagne d’une angoisse face aux changements brusques. Le recours à la valorisation de l’identité est une réponse à cette angoisse. En somme, plus une société aura confiance en soi et sera dynamique, plus elle se montrera capable de s’ouvrir à l’autre. Plus elle se sentira en danger, plus elle se protègera grâce au réflexe identitaire.

Dans ce cadre, le rapport au progrès des sociétés non occidentales favorise un tel réflexe de repli. En effet, la modernité est associée à l’Occident conquérant. L’accepter revient à abandonner un peu de son identité, comme les savoir-faire ancestraux. Quand la modernité porte la marque de l’autre, l’archaïsme devient un étendard.

*

Finalement, qu’est-ce que l’identité ? L’identité d’un individu réside dans la somme de ses sentiments d’appartenance. Ces sentiments sont acquis et non innés. La mondialisation les exacerbe, en réaction à une uniformisation sociétale et au rythme soutenu de la diffusion de nouvelles connaissances.

Réduire l’identité à une appartenance essentielle est un mécanisme qui apporte des gains politiques forts, mais qui se révèle particulièrement dangereux. Seule l’acceptation de l’autre dans toutes les dimensions de son identité permettra le dialogue, et par là la critique.

Lire aussi La cancel Culture.

Valeur d’usage, valeur d’échange chez Marx

Chez Marx, dans Le capital, une marchandise possède une valeur d’usage et une valeur d’échange.

Chez Marx, dans Le capital, une marchandise possède une valeur d’usage et une valeur d’échange.

Chez Marx, dans Le capital, une marchandise possède une valeur d’usage et une valeur d’échange.

La valeur d’usage

La valeur d’usage représente l’utilité de l’objet par rapport à la satisfaction d’un besoin. Ces besoins peuvent être physiologiques ou moins essentiels, peu importe. La chaise sert à s’asseoir, la nourriture à survivre, un diamant à marquer sa distinction sociale. La valeur d’usage positionne la marchandise au regard du besoin qu’elle comble.

La valeur d’échange selon Marx

Pour Marx, contrairement à la valeur d’usage, la valeur d’échange place la marchandise dans son rapport aux autres marchandises. X kilos de farine ont la même valeur que Y kilos de fer. Mais dans ce cas, qu’est-ce qui détermine cette valeur d’échange ? Il ne peut s’agir que d’une chose que les deux marchandises possèdent en commun. Cet étalon est la quantité de travail humain qu’elles contiennent, c’est-à-dire qui a permis leur création.

Le travail humain au cœur de la valeur d’échange

Ce travail humain est mesuré en temps. Plus le temps nécessaire pour fabriquer une marchandise se révèle important, plus sa valeur d’échange est élevée. L’introduction d’une force productive supérieure, par exemple grâce à la mécanisation, entraîne par conséquent une baisse de la valeur d’échange.

Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les prix (c’est un raccourci, la valeur d’échange n’est pas tout à fait synonyme de prix) des marchandises produites industriellement avec le coût de celles fabriquées par des artisans. C’est donc le temps de travail socialement nécessaire à sa réalisation qui détermine la valeur d’échange d’une marchandise.

NDA Valeur d’usage et valeur d’échange n’ont pas de lien direct. Cependant, la valeur d’usage ressurgit parfois dans les prix, lors de crises, pénuries ou épidémies, comme l’indique la courbe des prix du gel hydroalcoolique entre 2020 et 2021.

Enfin, une chose peut ne demander aucun travail humain, mais posséder une valeur d’usage. Il en va ainsi de l’air, ou le sol. De même, un objet peut contenir du travail humain sans pour autant détenir une valeur d’échange, par exemple s’il répond à un besoin strictement personnel. Dans les deux cas, les objets considérés ne sont pas stricto sensu des marchandises.

*

Valeur d’usage et valeur d’échange sont deux notions clef dans le Capital. La valeur d’usage représente donc l’utilité d’un objet au regard de la satisfaction d’un besoin. La valeur d’échange positionne la marchandise par rapport aux autres marchandises. C’est la quantité de travail humain socialement nécessaire pour produire une marchandise qui détermine sa valeur d’échange. Cette quantité de travail se mesure en temps.

*

Voir aussi La lutte des classes en France aujourd’hui.