Comprendre pourquoi chez de Gaulle, la culture générale est la véritable école du commandement

Charles de Gaulle, auteurdu fil de l'épée, et de la phrase « La véritable école du commandement est donc la Culture Générale ».

Dans Vers l’armée de métier (1934), Charles de Gaulle explique, par une formule restée célèbre, que la culture générale est la véritable école du commandement. Selon lui, elle est nécessaire pour former la « puissance de l’esprit », et les « réflexes intellectuels et moraux des chefs ». Mais dans cet ouvrage, il ne construit guère sa pensée que sur quelques pages.

Il avait été beaucoup plus prolixe dans Le fil de l’épée (1932). Nous nous servirons de ces développements comprendre cette idée. Nous expliquerons également quelles qualités devrait selon lui posséder un chef militaire.

Intelligence, instinct, culture générale

Pour Charles de Gaulle, l’intelligence, et l’instinct sont tous deux nécessaires à la conception de l’action.

La guerre est un domaine si complexe, qui fait intervenir tant de forces immatérielles, qu’il est difficile de la saisir entièrement par l’intelligence. Toutefois, même si elle n’apporte pas de certitude, l’intelligence réduit le champ de l’erreur. Elle apporte le renseignement, la connaissance du terrain, l’organisation, la connaissance de sa force et de sa faiblesse. Elle « prépare la conception de l’action mais ne l’enfante pas ».

L’intelligence est complétée par l’instinct. C’est par lui que l’homme « perçoit la réalité des conditions qui l’entourent et qu’il éprouve l’impulsion correspondante ». L’instinct est un raccourci entre le monde sensible et l’action. « Les grands hommes de guerre ont toujours eu, d’ailleurs, conscience du rôle et de la valeur de l’instinct. »

Or, c’est grâce à la culture générale que l’intelligence et l’instinct se forment. Elle permet de structurer sa pensée et de préparer son esprit à la décision, en défrichant le champ des possibles. Pis aller à l’expérience, elle est aussi beaucoup plus vaste. C’est pour cette raison que selon de Gaulle, « la véritable école du commandement est donc la Culture Générale », et que « au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote ». La même réflexion apparaît chez Clausewitz.

Toutefois, la culture générale ne fait pas tout. Il faut bien d’autres qualités au chef militaire.

L’autorité

Après le temps de la conception, celui de la décision. L’autorité et le courage, qualités morales, viennent compléter l’intelligence et l’instinct, qualités intellectuelles, chez le grand chef.

La prise de décision est un processus d’ordre moral et non intellectuel qui nécessite du courage. Ce dernier n’est pas donné à tout le monde, en raison des graves conséquences que décision à prendre pourra entrainer. L’esprit apte à la décision doit en outre s’accompagner d’autorité, qui est la faculté d’avoir « prise sur les âmes ».

L’autorité elle-même suppose le prestige. Le prestige (qui ressemble ici au charisme ; il n’est pas dans l’ouvrage synonyme de « réputation ») est un don inné, mais qui possède certains aspects pouvant être développés.

Pour travailler son prestige, le chef doit rester mystérieux, ce qui impose de prendre de la distance par rapport au subordonné. Mais ce prestige n’est pas l’inaccessibilité, il est la réserve de l’âme, des gestes et des mots, la sobriété de l’attitude et du discours. On doit sentir dans le silence du chef l’ardeur contenue. C’est une attitude de roi en exil.

Mais pour conserver ce qu’il faut bien appeler une « majesté » (le terme ne figure pas dans l’ouvrage), il faut au chef un but qui le relie à la grandeur. Or, cette grandeur représente un poids qui ne peut être supporté par tous.

Enfin, aux vertus d’intelligence, d’instinct et de prestige, le grand chef doit joindre le caractère.

Le caractère

Le caractère, « vertu des temps difficiles », est la capacité d’imprimer sa marque aux faits.

L’homme de caractère inspire, décide et assume. Il a la « passion de vouloir ». Il est ferme, mais bienveillant, assume les échecs et redistribue la gloire. En temps de paix, un tel homme sera perçu comme orgueilleux et indiscipliné, et il en pâtira. Mais que les difficultés surviennent, et elles le pousseront naturellement au premier plan.

Et force est de constater qu’il n’a pas eu complètement tort.

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Si « la véritable école du commandement est donc la Culture Générale », c’est donc qu’elle prépare le chef à une prise de décision rapide et juste face à une situation imprévisible. Elle développe l’instinct qui, seul, permet de ressentir la direction à donner à ses choix. Mais si la culture générale forme l’instinct du chef militaire, ce dernier doit être accompagné d’autres qualités telles que l’intelligence ou l’autorité, tant morales qu’intellectuelles.

« Tous les grands hommes d’action furent des méditatifs »

Charles de Gaulle, le fil de l’épée.

« La véritable école du commandement est donc la culture générale. Par elle la pensée est mise à même de s’exercer avec ordre, de discerner dans les choses l’essentiel de l’accessoire, d’apercevoir les prolongements et les interférences, bref de s’élever à ce degré ou les ensembles apparaissent sans préjudice des nuances. Pas un illustre capitaine qui n’eût le goût et le sentiment du patrimoine et de l’esprit humain. Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote. »

Charles de gaulle, Vers l’armée de metier

Nicolas Blanchard Farce

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En parlant d’Aristote… Voir aussi Les cinq formes de courage chez Aristote.