Platon, La République : la fondation de la cité

Au début de La République, Platon cherche à retrouver en pensée les grandes étapes logiques de la fondation d’une cité.

Platon et Aristote dans l'école d'Athènes.

La République de Platon est un dialogue philosophique centré sur une question essentielle : qu’est-ce que la justice ? Glaucon et Adimante demandent à leur frère Socrate de prouver que la justice est désirable en elle-même, et non seulement pour ses conséquences. Pour répondre, Socrate propose de chercher la justice non dans l’individu, où elle est difficile à discerner, mais dans la cité, où elle apparaît de façon plus visible.

C’est ainsi qu’au Livre II, il commence à construire une cité en pensée, en définissant les besoins fondamentaux des hommes et les fonctions sociales nécessaires à leur satisfaction. Cette réflexion permet non seulement de faire émerger l’idée de justice, mais aussi de mettre en lumière les causes de la guerre et son rôle structurel dans l’organisation de la cité.

Le développement initial : une cité des besoins naturels

Platon imagine d’abord une cité modeste, née des besoins fondamentaux de l’homme : se nourrir, se vêtir, se loger. Ces besoins étant variés, aucun individu ne peut les satisfaire seul. Il faut alors une répartition des tâches selon les compétences naturelles de chacun. Certains cultivent, d’autres bâtissent, d’autres fabriquent les vêtements, tandis que d’autres encore échangent ou transportent les produits.

Cette division du travail repose sur le principe fondamental de la pensée platonicienne : chacun doit faire ce pour quoi il est naturellement doué. Ce modèle de société vise l’autosuffisance et l’harmonie. La justice y est implicite : elle réside dans l’accomplissement de sa fonction propre. À ce stade, la cité est simple, paisible, et vit dans une forme de contentement raisonnable. Il n’y a pas de conflits avec les autres cités. En effet, les citoyens n’éprouvent pas le besoin de s’approprier plus que ce qui leur est nécessaire.

Les besoins superflus et l’apparition de la guerre

Mais ce modèle « pur » est rapidement remis en question par Glaucon. Il le juge trop frugal, presque rustique. Il imagine une cité plus développée, où les citoyens ne se contentent pas du nécessaire, mais veulent jouir de biens de luxe. Ils recherchent des plats raffinés, des vêtements élégants, des meubles, des parfums, etc. Cette nouvelle orientation transforme la cité simple en une cité dite « fiévreuse », car elle est désormais animée par le désir d’abondance.

Or, cette recherche de biens superflus entraîne une extension des besoins matériels. La terre d’origine ne suffit plus à nourrir les désirs nouveaux. Il faut alors s’approprier les ressources d’autres territoires. C’est ainsi que la guerre devient inévitable : non pas par nature, mais par suite de l’expansion des désirs humains. La guerre est donc une conséquence indirecte de la croissance de la cité et de la complexification des besoins.

Face à cette menace, il faut organiser la défense. Platon introduit alors une nouvelle classe sociale : les gardiens, chargés de protéger la cité. Ce sont les guerriers. Ils doivent être courageux, disciplinés, mais aussi philosophes dans une certaine mesure : ils ne doivent pas faire un mauvais usage de leur force. Pour cela, ils reçoivent une éducation spécifique, fondée sur la gymnastique et la musique. Platon insiste sur l’équilibre entre vigueur physique et douceur morale. Les gardiens ne doivent pas devenir des tyrans, mais rester au service de la cité.

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Dans ce passage fondateur de La République, Platon montre comment la cité idéale naît de la coopération humaine face aux besoins naturels. À ce stade, la guerre est absente. Mais lorsque les désirs dépassent le nécessaire, la cité s’agrandit, entre en conflit avec ses voisines. Elle doit alors se doter d’une armée. La guerre apparaît donc comme une conséquence de la démesure, non comme un fondement de la société. Elle impose cependant une organisation politique et sociale nouvelle, avec la création d’une classe guerrière spécialisée, éduquée selon des principes philosophiques stricts. Par cette évolution, Platon illustre à la fois les limites de la nature humaine et la nécessité d’un ordre rationnel pour contenir les excès, garantir la sécurité et maintenir la justice dans la cité.

Retrouvez le texte de La République de Platon sur Wikisource.

Lire aussi Arès et Athéna, dieux de la guerre.

L’anneau de Gygès : nul ne fait le bien volontairement

Au livre II de La République de Platon, Glaucon, frère de Platon, utilise le mythe de l’anneau de Gygès pour démontrer que nul ne fait le bien volontairement.

L'anneau de Gygès : nul ne fait le bien volontairement. Platon.

Le Mythe de l’anneau de Gygès

L’histoire raconte celle de Gygès, un berger au service du roi de Lydie. Après un tremblement de terre, Gygès découvre une caverne contenant le cadavre d’un géant portant un anneau d’or. Gygès décide de s’emparer du bijou. Il découvre qu’il lui confère le pouvoir d’invisibilité lorsqu’il tourne le chaton vers l’intérieur de sa main.

Fort de cette nouvelle capacité, Gygès commet diverses actions immorales sans craindre d’être découvert. Il séduit la reine, assassine le roi, et s’empare du trône. L’anneau lui permet d’agir en toute impunité, révélant ainsi ses véritables désirs et ambitions. Le mythe de Gygès pose une question fondamentale : si l’homme pouvait agir sans crainte de répercussions, choisirait-il de faire le bien ou succomberait-il à ses pulsions égoïstes ?

L’anneau de Gygès, révélateur de la nature humaine ?

Le mythe de l’anneau de Gygès soulève des questions essentielles sur la nature humaine et la justice. Glaucon propose ce mythe pour défier Socrate et explorer l’idée que les êtres humains ne font pas le bien volontairement, mais par contrainte sociale. Selon Glaucon, la justice est une convention sociale. Les gens agissent de manière juste non par vertu, mais par peur des conséquences de leurs actes injustes.

La Nature Humaine et l’Injustice

Le mythe illustre que, lorsque les contraintes externes (comme les lois et les normes sociales) sont supprimées, les véritables motivations des individus émergent. Gygès, un simple berger, devient un tyran dès qu’il se rend invisible. Sans la surveillance de ses semblables surveillance, l’homme céderait à ses désirs égoïstes et injustes. Cette vision pessimiste de la nature humaine suggère que l’injustice est la tendance naturelle des individus, réprimée uniquement par la crainte de la punition.

La Justice comme Convention

Glaucon utilise le mythe pour argumenter que la justice n’est pas intrinsèquement valorisée. Si l’on pouvait être injuste sans conséquence, comme Gygès, la plupart des gens choisiraient l’injustice. Cela signifie que l’homme crée les lois et les règles pour protéger les individus des méfaits d’autrui, plutôt qu’une aspiration à une moralité supérieure.

La Réponse de Socrate

Socrate, cependant, ne partage pas cette vision cynique de la justice. Il soutient que la justice est intrinsèquement liée au bien-être de l’âme. Pour Socrate, commettre l’injustice, même sans être découvert, corrompt l’âme et empêche l’individu d’atteindre l’eudaimonia, ou la véritable satisfaction. Le philosophe affirme que la justice, loin d’être une simple convention, est en effet essentielle à l’harmonie intérieure et au bonheur authentique.


A voir également : Arès et Athéna, dieux de la guerre.

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En conclusion le mythe de l’anneau de Gygès signifie que personne ne fait le bien s’il n’est soumis à au jugement de ses semblables. Glaucon l’utilise pour démontrer que sans les contraintes sociales, l’homme révélerait ses tendances naturellement injustes. Toutefois, Socrate oppose à cette vision une justice indispensable à l’intégrité de l’âme et au bonheur véritable.


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