Les peuples ont-ils encore le droit de disposer d’eux-mêmes ?

Avec l’organisation probable de referendums d’autodétermination dans les territoires occupés par l’armée russe en Ukraine, les enjeux liés au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes devraient ressurgir dans les prochains mois. Mais bien au-delà, que ce soit en Catalogne, en Irlande du Nord ou en Écosse, des sentiments nationaux se consolident. Ils pourraient à moyen terme peser sur la politique européenne.

Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Mahatma Gandhi. les armes et la toge.

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes peut se comprendre comme le droit d’un peuple à l’autodétermination. Il faut entendre par là le choix de son statut politique. L’indépendance, l’intégration, l’association avec un État indépendant, ou l’acquisition de tout autre statut politique librement choisi réalisent l’exercice de ce droit.

Malgré sa légitimité incontestable, l’aspiration d’un peuple à se gouverner lui-même heurte directement le principe d’unicité des États. Ces derniers ne peuvent, au fond, encourager les velléités d’indépendance sans risquer le démembrement.

Mais peut-on réduire l’équation à une alternative entre balkanisation et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ? Le problème est-il aussi insoluble que cela ?

Au-delà de la philosophie, des accords internationaux encadrent ce droit. Ils ne reconnaissent pas le droit de sécession. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne concerne en effet que les peuples colonisés. Toutefois, l’ambiguïté persiste puisqu’aucun texte ne définit la notion de « peuple ». De ce fait, les prises de position autour des aspirations à l’indépendance devraient rester des outils stratégiques.   

Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : que dit le droit international ?

Selon les déclarations de l’ONU, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne s’applique en réalité qu’aux peuples colonisés.

L’ONU reconnaît le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dès l’article un de sa charte :

« Les buts des Nations Unies sont les suivants :

[…]Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde. »

C’est donc en apparence un principe de droit incontestable. Il trouve ses origines dans la philosophie des lumières. Il a commencé à se voir considéré comme une réalité politique après la Première Guerre mondiale.

Toutefois, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes s’applique en réalité aux seuls peuples colonisés. C’est un des objets des résolutions 1541 du 15 décembre 1960 et 2625 du 24 octobre 1970. Cette dernière demande aux États de :

« Mettre rapidement fin au colonialisme en tenant dûment compte de la volonté librement exprimée des peuples intéressés ; et en ayant présent à l’esprit que soumettre des peuples à la subjugation, à la domination ou à l’exploitation étrangère constitue une violation de ce principe ainsi qu’un déni des droits fondamentaux de l’homme, et est contraire à la Charte. »

Cette même résolution exclut le droit à la sécession :

« Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l’égalité de droits et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d’un gouvernement représentant l’ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur. »

Or, c’est l’ONU qui définit qui est colonisé et qui ne l’est pas. Elle publie une liste des territoires à décoloniser. La présence de la Nouvelle-Calédonie ainsi que de la Polynésie française sur cette liste porte un poids politique important. L’ONU reste donc encore une arène de combat pour la légitimité des aspirations à l’indépendance.

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est donc reconnu et porté par l’ONU. Mais les textes qui l’encadrent datent de la période de la décolonisation. Or, le contexte contemporain est radicalement différent.

Tensions contemporaines et ambiguïtés du droit

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes a donc été par le passé relié au droit des colonisés à l’émancipation. Mais aujourd’hui, il possède une tout autre portée.

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes se trouve désormais associé à l’accession au statut d’État souverain par des minorités au sein d’États déjà existants. Or, l’intégrité des frontières, ou principe uti possidetis reste une règle fondatrice du droit. Le droit international ne reconnaît pas le droit à la sécession. Certaines législations nationales l’admettent néanmoins. La Serbie avait inscrit noir sur blanc dans sa constitution la perspective de l’indépendance du Monténégro. En France, l’article 53 de la constitution précise : « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées. »

Hors circonstances de discrimination d’une minorité, le détachement d’une partie d’un État n’est donc possible en droit que sur la base d’un agrément mutuel. Ce consentement peut très bien représenter la conséquence d’une guerre, comme ce fut le cas au Soudan du Sud. Il peut même s’avérer recevable en l’absence de validation par un referendum, par exemple dans le cas de la séparation entre la République tchèque et la Slovaquie.

Une partie du cœur de l’ambiguïté du concept de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est que la notion de « peuple » n’a jamais reçu de définition précise. Une entité politique qui souhaite réclamer son propre État pourrait donc, en théorie, espérer parvenir à ses fins. Cette absence de définition maintient le droit dans une certaine ambiguïté.

Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Simon Bolivar. Les armes et la toge.

Chaque revendication ou situation pouvant mener à une modification de la carte doit donc être gérée au cas par cas. Ainsi, lors de la dissolution de la Yougoslavie, la conférence européenne de la paix sur la Yougoslavie s’était dotée d’une commission d’arbitrage. Cette commission avait pour tâche de rendre un avis sur les dimensions légales de la création des États neufs issus du processus de dissolution. Il s’agissait notamment de déterminer si les la reconnaissance des nouveaux pays possédait bien une base légale.

Pour l’ex-Yougoslavie, seules les Républiques fédérales constituantes, comme la Serbie ou la Macédoine, ont été autorisées à fonder de nouveaux États. Au sein de la Yougoslavie, elles avaient la possibilité constitutionnelle de réclamer leur indépendance. Ce n’était pas le cas des « régions », comme celle du Kosovo. Cette dernière s’est à l’époque vue dénier le droit à l’indépendance malgré un referendum d’autodétermination, en vertu du principe uti possidetis. Toutefois, la règle appliquée dans le cas d’un État fédéral demeure difficilement universalisable. Elle a d’ailleurs été remise en question, de facto, depuis…

En raison de l’ambiguïté du droit international et son inadéquation aux enjeux contemporains, manier le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes devrait rester un outil géopolitique.


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Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, un outil géopolitique

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, faute d’une adéquation entre les textes de droit international et les enjeux contemporains, devrait donc demeurer un outil géopolitique.

La reconnaissance d’un nouvel État reste un processus à la discrétion des membres de la communauté internationale. Elle transforme le fait en droit. Il s’agit de marquer sa position politique par une reconnaissance ou non du nouvel État. L’intérêt national prime. C’est ainsi qu’il faut comprendre la bataille pour la reconnaissance du Kosovo.

Pour des pays qui s’opposent sur la scène internationale, la reconnaissance d’un nouvel État représente donc un moyen de faire bouger les lignes géopolitiques. D’autant plus que les proclamations d’indépendance s’accompagnent le plus souvent de referendums démocratiques. S’ils s’avèrent inconsistants en droit, il est difficile de les ignorer politiquement. Cela explique que leur adhésion au droit international demeure à géométrie variable et empreinte de cynisme. Moscou et une partie de l’Occident s’affrontent sur les indépendances du Kosovo et le rattachement de la Crimée à la Russie. Pourtant, le processus d’autodétermination reste un état de fait et non de droit dans ces deux cas.

La situation interne d’un pays peut enfin lui dicter son comportement vis-à-vis de l’autodétermination des peuples. L’enjeu peut en effet s’avérer vital pour un État possédant en son sein des minorités qui aspirent à l’indépendance. Il en va ainsi de l’Espagne, qui doit gérer la question catalane. Madrid est l’une des rares capitales européennes à ne pas reconnaître l’indépendance du Kosovo. Et pour cause, cela créerait une jurisprudence dans laquelle pourraient s’engager les indépendantistes catalans.

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La confusion qui tourne autour du droit des peuples à disposer d’eux même se fonde sur un décalage entre ce qui est perçu comme légitime et ce qui est légal en droit international. Incontestable du point de vue moral ou philosophique, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes fait l’objet d’un traitement ambigu et dépassé en droit international. Cette situation devrait perdurer tant la remise en cause potentielle des frontières des États s’avère une menace pour le système politique existant. Le maniement du droit à l’autodétermination devrait donc rester un outil géopolitique à l’usage des puissants, faiblement relié au droit ou à la morale.

Les referendums à venir à l’est de l’Ukraine se révèleront ainsi infondés en droit, quoi qu’on pense de la volonté effective des Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk de quitter le giron de Kiev. Le sort des armes sera alors décisif.   

Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Déclaration d'indépendance américaine. Les armes et la toge.

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Why general culture is the true school of command – Charles De Gaulle

In Vers l’armée de métier (1934), Charles de Gaulle explains, with a formula that has remained famous, that general culture is the real school of command. According to him, it is necessary to train the « power of the mind », and the « intellectual and moral reflexes of leaders ». But in this work, he hardly constructs his thought except on a few pages.

De Gaulle. General Culture true school of command.
Charles de Gaulle (1890 – 1970). Officer, writer, head of state.

He had been much more prolific in Le fil de l’épée (1932). We will use these developments to understand his idea. We will also explain what qualities he thinks a military leader should possess.

Intelligence, instinct, general culture

For Charles de Gaulle, intelligence and instinct are both necessary to action.

War is such a complex domain, involving so many immaterial forces, that it is difficult to grasp it entirely by intelligence. However, even if it does not bring certainty, the intellect reduces the field of error. It brings intelligence, organization, knowledge of its strengths and weaknesses. It “prepares the conception of the action but does not give birth to it”.

Intelligence is complemented by instinct. It is through instinct that man “perceives the reality of the conditions which surround him and experiences the corresponding impulse”. Instinct is a shortcut between the sensible world and action. “Great men of war have always been aware of the role and the value of instinct. »

It is general culture that forms intelligence and instinct. It allows one to structure its thoughts and prepare its mind for decision-making, by clearing the field of possibilities. Substitute to experience, it is also much broader. It is for this reason that according to de Gaulle, « the true school of command is therefore General Culture » , and that « at the bottom of Alexander’s victories, one always finds Aristotle ».

However, general culture is not everything. A military leader needs many other qualities.

Authority

After conception, decision. Authority and courage, moral qualities, complement intelligence and instinct, intellectual qualities, in the great leader.

Decision-making is a moral process, not an intellectual one. It requires courage. Courage is not given to everyone, because of the serious consequences that the decision to be taken may entail. The mind capable of decision must also be accompanied by authority, which is the faculty of having « a grip on souls ».

Authority itself implies « prestige« . Prestige (here similar to charisma) is an innate gift, but certain aspects of it can be developed .

To work on his prestige, the commander must remain mysterious, which requires distancing himself from its subordinates. But this prestige is not inaccessibility, it is the reserve of the soul, of gestures and words, the sobriety of attitude and speech. One must feel in the silence of the leader the contained flame. It is an attitude of a king in exile.

But to maintain what must be called “majesty” (the term does not appear in the book), the leader needs a goal that connects him to greatness. However, greatness represents a weight that cannot be supported by everyone.

Finally, to the virtues of intelligence, instinct and prestige, the great leader has to add character .

The character

Character, «  virtue of difficult times « is the ability to leave its mark on facts.

The man of character inspires, decides and assumes. He has the “ passion of willing”. He is firm, but benevolent, assumes the failures and redistributes the glory. In times of peace, such a man will be perceived as proud and unruly, and he will suffer for it. But let difficulties arise, and they will naturally push him to the fore.

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If “the true school of command is therefore General Culture”, it is because that it prepares the commander for rapid and fair decision-making in the face of an unforeseeable and necessarily confuse situation . It develops the instinct which, alone, makes it possible to feel the direction to give to its choices. But if the general culture forms the instinct of the military leader, the latter must be accompanied by other qualities such as intelligence or authority, both moral and intellectual.

“All great men of action were meditative”

CHARLES DE GAULLE, LE FIL DE L’ÉPÉE.

“The real school of command is therefore general culture. Through it thought is enabled to exercise itself with order, to discern in things the essential from the incidental, to perceive the extensions and the interference, in short to rise to that degree where the ensembles appear without prejudice of nuances. Not an illustrious captain who did not have taste and sense for heritage and human spirit. At the bottom of Alexander’s victories, one always finds Aristotle. »

CHARLES DE GAULLE, VERS L’ARMÉE DE MÉTIER.

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Also read Lucien Poirier’s Comprehensive Strategy.

Lucien Poirier’s « Comprehensive Strategy »

In Strategie thérorique II, a compilation of articles written in the 1970s, General Lucien Poirier introduces the concept of « Comprehensive strategy » (in French Stratégie intégrale).

Lucien Poirier's Comprehensive strategy

Political Project and Strategy

To begin with, General Poirier questions the very nature of strategy. He starts from politics, « science and art of governing organized societies » which incarnates its ideology through a political project. This project translates ideology into action.

In order to carry out his project, the politics has two usual fields of action: the economy (everything that physical existence requires) and the cultural (knowledge and ideas). The third area is extraordinary : physical violence. The use of physical force will happen if there is no freedom of action in the economic and cultural fields left. It has to face an unacceptable competing project and the cost / benefit ratio has to appear acceptable.

Strategy exists as soon as there is conflict. Conflict is deffined as opposition of political projects. Therefore it is permanent, not only in time of war. General Poirier chooses to name “competitive trade” the more or less peaceful conflictuality which arises from the opposition of the different political projects.

Lucien Poirier and his Comprehensive Strategy

To sum up, even during peacetime, socio-political actors combine military, economic and cultural strategies to accomplish their political project, while countering the opposing project. This is the “comprehensive strategy”.

Finally, let us compare the « Comprehensive Strategy » of Lucien Poirier to General Beaufre’s “Total Strategy”. « Total Strategy » is a kind of strategy that unites military, economic, cultural and diplomatic fields. But it only applies in war, whereas the “integral strategy” is implemented in wartime and in peacetime.

« Theory and practice of the maneuver of all forces of any kind, current or potential, resulting from national activity, it [the integral strategy] aims to accomplish all the ends defined by general policy « .

Lucien Poirier, Stratégie théorique ii

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Qu’est-ce que l’identité ? Amin Maalouf, les identités meurtrières

Qu’est-ce que l’identité ? Amin Maalouf, les identités meurtrières.
Les armes et la toge.

Qu’est-ce que l’identité ? Dans les identités meurtrières, le romancier Amin Maalouf nous livre son analyse. Il s’emploie à comprendre pourquoi, partout dans le monde, des gens tuent au nom de leur identité. 

Qu'est-ce que l'identité ? Amin Maalouf les identités meurtrières. Les armes et la toge.

L’identité comme somme des sentiments d’appartenance

Alors, qu’est-ce que l’identité ? C’est ce qui fait que je ne suis identique à personne d’autre. Elle est constituée de différents sentiments d’appartenance dont la combinaison est unique. Ce sont par exemple la classe, la couleur de peau, la religion, la langue, la nationalité, le pays de naissance… L’individu ressent ces sentiments d’appartenance distincts comme un tout.

Nous devons en outre composer avec un héritage double. L’héritage vertical est celui de nos aïeux. Nos familles, nos proches, nous transmettent des habitudes, des traditions. L’héritage horizontal est celui de nos contemporains. Nous vivons dans une époque qui possède son mode de vie et sa vision du monde propre. C’est cet héritage qui s’avère le plus significatif dans nos comportements.

L’identité n’est pas innée, mais acquise. Elle « se construit et se transforme tout au long de l’existence ». Par exemple, naître noir n’a pas le même sens en Zambie ou aux États-Unis. La religion n’aura pas la même importance dans son identité si l’on grandit en France, en Irak ou en Inde. L’influence d’autrui revêt donc une importance clef dans le développement de l’identité.

Cette influence s’avère en effet au fondement de la perception des sentiments d’appartenance et de leur hiérarchisation. Leur origine se trouve dans les blessures causées par les différences soulignées par autrui. On a tendance à se reconnaître dans la plus attaquée de ses appartenances.

Néanmoins, la hiérarchie des sentiments d’appartenance peut évoluer dans le temps. Celui qui dans les années 80 se disait avant tout Yougoslave a pu dans les années 90 se sentir d’abord musulman. De nos jours, il se réclamerait davantage de la nation bosniaque.


Lire aussi, Qu’est-ce qu’une civilisation, selon Fernand Braudel.

Religion et identité

Aujourd’hui, sur la planète entière, et particulièrement dans le monde arabe, hommes et femmes se focalisent sur leur appartenance religieuse.

La religion comble en réalité deux besoins : le besoin de spiritualité et le besoin d’appartenance. Mais, pour beaucoup la foi constitue le cœur de l’identité.

Cela s’explique par la fin des modèles communistes en Europe et nationalistes dans le monde arabe, mais aussi par le fait que l’Occident doute de lui-même.

Le paradigme religieux reste donc aujourd’hui la seule offre politique crédible dans le monde arabe. De là, la confession devient comme une évidence le composant clef de l’identité. Ce retour du religieux est pourtant un phénomène historiquement borné, causé par des facteurs essentiellement politiques.

Conception « tribale » de l’identité et identités meurtrières

Il peut être tentant de considérer qu’une appartenance domine toutes les autres et s’impose comme l’identité. Cependant, ramener un individu à une identité essentielle réduit les relations avec les autres au « nous » face au « eux ». Ceux qui souhaitent tenir compte de tous les sentiments d’appartenance sont alors considérés comme des traîtres ou des tièdes.

Lorsque cette identité « tribale » est attaquée, la solidarité s’installe parmi ceux qui partagent ce sentiment d’appartenance. La conviction de se trouver en légitime défense s’implante alors dans des communautés où seuls les chefs les plus déterminés peuvent se faire entendre. C’est le mécanisme qui mène à la violence identitaire, aux identités meurtrières.

Mondialisation et identité

Ces rapports identitaires sont exacerbés par la mondialisation. Elle se caractérise par une circulation des connaissances plus rapide que leur création. L’humanité se dirige donc vers une société globalisée de moins en moins différenciée. Nous avons de plus en plus de choses en commun : cela nous pousse à affirmer notre diversité.

De plus, elle s’accompagne d’une angoisse face aux changements brusques. Le recours à la valorisation de l’identité est une réponse à cette angoisse. En somme, plus une société aura confiance en soi et sera dynamique, plus elle se montrera capable de s’ouvrir à l’autre. Plus elle se sentira en danger, plus elle se protègera grâce au réflexe identitaire.

Dans ce cadre, le rapport au progrès des sociétés non occidentales favorise un tel réflexe de repli. En effet, la modernité est associée à l’Occident conquérant. L’accepter revient à abandonner un peu de son identité, comme les savoir-faire ancestraux. Quand la modernité porte la marque de l’autre, l’archaïsme devient un étendard.

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Finalement, qu’est-ce que l’identité ? L’identité d’un individu réside dans la somme de ses sentiments d’appartenance. Ces sentiments sont acquis et non innés. La mondialisation les exacerbe, en réaction à une uniformisation sociétale et au rythme soutenu de la diffusion de nouvelles connaissances.

Réduire l’identité à une appartenance essentielle est un mécanisme qui apporte des gains politiques forts, mais qui se révèle particulièrement dangereux. Seule l’acceptation de l’autre dans toutes les dimensions de son identité permettra le dialogue, et par là la critique.

Lire aussi La cancel Culture.

Clausewitz’s Friction

In Book One of On War, Carl von Clausewitz introduces a famous concept: friction.

Clausewitz's friction : all the little things that will go wrong.

Clausewitz’s Friction: little things, big problems

Clausewitz’s friction is what makes the simplest things difficult in war. War requires many little individual actions. Difficulties in carrying out each and every one of them tend to accumulate and create chain reactions.

External phenomena such as chance, or the weather, strengthen these chain reactions. More, they are also reinforced by war constraints, such as physical exhaustion or fear. A weapon that malfunctions, a subordinate who misunderstands orders, a vehicle that breaks down, a terrain that does not correspond to the map… Multiplied by the men and equipment of the army, this is the friction.

As a consequence of the friction, it is difficult to calculate one’s own actions. Results might always fall short of expectations. However, ways to conduct the action despite the friction exist.

When reality goes beyond friction

In war, experience and willpower partly compensate friction.

Those with no experience of war will understand the phenomenon of friction with difficulty: « As long as we have no personal knowledge of War, we cannot conceive where those difficulties lie« . The General has to rely on his experience to deal with the friction. It is the only way to estimate with accuracy the results that one can reasonably achieve.


But experience is nothing without an iron will. Indeed, it can also bring to irresolution. « A powerful iron will overcomes this friction; it crushes the obstacles, but certainly the machine along with them. » Indeed, bypassing the phenomenon of friction requires considerable efforts, which an army cannot sustain for long. For example, to achieve greater progression than what would appear mediocre to an uninitiated, a troop had in the past to weaken its men with forced marches. Today, it would have to abandon its broken-down vehicles to maintain its fast pace.

The effort can only be considered as a temporary rise of pain. It’s up to the General to decide when and how long he wants to endure it.

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To sum up, understanding the reality of military action cannot be done without the concept of friction. Ignoring it is a mistake; trying to make it disappear, an illusion: it is consubstantial to war.

« Everything is very simple in War, but the simplest thing is difficult. »

Carl von clausewitz, on war

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Read also Clausewitz’s Trinity

Clausewitz’s center of gravity

The concept of « center of gravity », developped by Carl von Clausewitz in On War, has had remarkable posterity. Many Western armies use it nowadays.

Clausewitz center of gravity. Les armes et la toge.

Center of Gravity and Balance

Clausewitz has described what a belligerent’s center of gravity is. It is the point on which an action will affect the rest of one’s war system. It can be considererd as its point of balance, which drives everything else. Acting on the center of gravity will unbalance the opponent. Therefore, they will overthrow him more easily. « A shock against the centre of gravity of a body always produces the greatest effect »

The « center of gravity » synthetize physical strength ratio, morale and terrain. « We think, therefore, a theatre of war, whether large or small, with its military force, whatever may be the size of that, represents a unity which maybe reduced to one centre of gravity. At this centre of gravity the decision must take place ».

The destiny of a warring state is therefore linked to its center of gravity. To destroy the enemy’s center of gravity is to bring him to his knees.

However, actions against the enemy’s center of gravity become crucial only if opponents are trying to reach a decision. If the belligerents seek only secondary gains, they will not attempt to overthrow the enemy at the cost of a large and risky effort. Clausewitz speaks of « armed observation ». The blow on the center of gravity’s aim is to bring the enemy down, not to obtain secondary benefits.

Finding Causewtz’s Center of Gravity

Hence, how to identify he enemy’s center of gravity ? Clausewitz here helps his reader, by listing some possible centers of gravity. The army, as it was for Alexander or Frederick II; the capital of a state, if it is in the throes of civil strife; and finally the relief army, in the case of weak belligerents supported by strong allies; « Unity of interests » in a coalition; finally, against a nation in arms, the leaders and the public opinion. The center of gravity can therefore be material or immaterial.

However, this notion is dynamic. Indeed, the center of gravity of a belligerent can change over time.

« If the Germans had reached Paris, in 1792, there—in all human probability—the war with the Revolutionary party would have been brought to an end at once for a season; it was not at all necessary at that time to beat their armies beforehand, for those armies were not yet to be looked upon as potent powers in themselves singly. On the other hand, in 1814, the allies would not have gained everything by taking Paris if Buonaparte had still remained at the head of a considerable army; but as his army had nearly melted away, therefore, also in the year 1814 and 1815 the taking of Paris decided all. »

But can an enemy hold multiple centers of gravity, or only one ? The task of the planner is precisely to reduce all the opposing sources of power into one, which controls all the others. « There are very few cases in which [the] reduction of several centres of gravity to one cannot be made. »

Clausewitz’s Center of Gravity and Economy of Forces

Once the center of gravity identified, Clausewitz recommends focusing efforts on it. « Against this centre of gravity of the enemy, the concentrated blow of all the forces must be directed ».

Indeed, center of gravity is a tool to be used by the planner in order to organize his efforts. It allows to focus on the most important task. An army that use part of its forces to occupy a secondary province of its adversary will not threat the balance of the enemy system. That will not be a decisive action. Thus, the forces are spoilt. However, if the opponent’s center of gravity is dislocated, it loses his balance; if it is destroyed, the all what is left to the enmey is to « beg for mercy. »

This doesnt mean that the whole army need to rush toward the gravity point of the ennemy. Secondary missions, such as safety, will always be necessary. However, no more troops should be concentrated there than necessary.

Conversely, the general must calculate correctly the effort to make against the enemy’s center of gravity. Thus secondary, but necessary, operations can be correctly executed.

« Therefore, if on the one hand, the violence with which we wish to strike the blow prescribes the greatest concentration of force, so in like manner, on the other hand, we have to fear every undue excess as a real evil, because it entails a waste of power, and that in turn a deficiency of power at other points. »

In short, identifying the enemy’s center of gravity helps avoid wasting efforts.

Strong Point Against Strong Point ?

The action against the enemy’s center of gravity has attracted some criticism to Clausewitz. For example, Liddell Hart considers that action against the center of gravity leads to an action from strong to strong. Indeed, even a successful direct action against the center of gravity will leave the winner weakened. So weakened, that he will be unable to exploit his opponent’s unbalance.

It is clear that the thought of the Master cannot entirely escape this criticism.

To begin with, Clausewitz does not believe in victory without a fight, even in the case of an intangible center of gravity.

Indeed, whatever the chosen center of gravity, one must disperse opposing armies. « But whatever may be the central point of the enemy’s power against which we are to direct our operations, still the conquest and destruction of his army is the surest commencement, and in all cases, the most essential ».

Then, in several chapters, the center of gravity is the greatest concentration of troops. « The centre of gravity is always situated where the greatest mass of matter is collected, and as a shock against the centre of gravity of a body always produces the greatest effect »

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In conclusion, what one should remember from the concept of center of gravity introduced by Clausewitz?

Ultimately, it is a question of identifying what the source of the coherence of the opposing war system is. Neutralizing it will cause the enemy to loose its balance. This will multiply the effects directed against him.

Indeed, the center of gravity is not necessarily the source of power of the opponent, but the source of the cohesion of its different parts. « The armed forces of every belligerent […], have a certain unity, and in that way, connection; but where connection is there come in analogies of the centre of gravity. »

For example, the combat system of Western armies is based on significant firepower, but also and above all on permanent communications. They allow a very fast design – execution loop. Cutting them off dramatically reduces mobility, and therefore the effectiveness of small armies.

As for the Islamic State, its center of gravity was not its armed forces, but its narrative, through which it attracted and recruited. More generally, the center of gravity of a guerrilla may lie in a sanctuary, or in its « external maneuver » (Beaufre). That is, in being able to gain international legitimacy.

Therefore, the notion of center of gravity permit to avoid the action of strong against strong in a sterile physical confrontation. It is useful to concentrate efforts against the keystone of the enemy edifice, without excluding other lines of operations.

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Read also Understanding Clausewitz’s Trinity.

Valeur d’usage, valeur d’échange chez Marx

Chez Marx, dans Le capital, une marchandise possède une valeur d’usage et une valeur d’échange.

Chez Marx, dans Le capital, une marchandise possède une valeur d’usage et une valeur d’échange.

Chez Marx, dans Le capital, une marchandise possède une valeur d’usage et une valeur d’échange.

La valeur d’usage

La valeur d’usage représente l’utilité de l’objet par rapport à la satisfaction d’un besoin. Ces besoins peuvent être physiologiques ou moins essentiels, peu importe. La chaise sert à s’asseoir, la nourriture à survivre, un diamant à marquer sa distinction sociale. La valeur d’usage positionne la marchandise au regard du besoin qu’elle comble.

La valeur d’échange selon Marx

Pour Marx, contrairement à la valeur d’usage, la valeur d’échange place la marchandise dans son rapport aux autres marchandises. X kilos de farine ont la même valeur que Y kilos de fer. Mais dans ce cas, qu’est-ce qui détermine cette valeur d’échange ? Il ne peut s’agir que d’une chose que les deux marchandises possèdent en commun. Cet étalon est la quantité de travail humain qu’elles contiennent, c’est-à-dire qui a permis leur création.

Le travail humain au cœur de la valeur d’échange

Ce travail humain est mesuré en temps. Plus le temps nécessaire pour fabriquer une marchandise se révèle important, plus sa valeur d’échange est élevée. L’introduction d’une force productive supérieure, par exemple grâce à la mécanisation, entraîne par conséquent une baisse de la valeur d’échange.

Pour s’en convaincre, il suffit de comparer les prix (c’est un raccourci, la valeur d’échange n’est pas tout à fait synonyme de prix) des marchandises produites industriellement avec le coût de celles fabriquées par des artisans. C’est donc le temps de travail socialement nécessaire à sa réalisation qui détermine la valeur d’échange d’une marchandise.

NDA Valeur d’usage et valeur d’échange n’ont pas de lien direct. Cependant, la valeur d’usage ressurgit parfois dans les prix, lors de crises, pénuries ou épidémies, comme l’indique la courbe des prix du gel hydroalcoolique entre 2020 et 2021.

Enfin, une chose peut ne demander aucun travail humain, mais posséder une valeur d’usage. Il en va ainsi de l’air, ou le sol. De même, un objet peut contenir du travail humain sans pour autant détenir une valeur d’échange, par exemple s’il répond à un besoin strictement personnel. Dans les deux cas, les objets considérés ne sont pas stricto sensu des marchandises.

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La valeur d’usage représente donc l’utilité d’un objet au regard de la satisfaction d’un besoin. La valeur d’échange positionne la marchandise par rapport aux autres marchandises. C’est la quantité de travail humain socialement nécessaire pour produire une marchandise qui détermine sa valeur d’échange. Cette quantité de travail se mesure en temps.

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Voir aussi La lutte des classes en France aujourd’hui.

Méthode pour mémoriser un livre

Mémoriser un livre relève souvent du défi. Rien de plus insupportable que de se rendre compte que l’on a tout oublié d’un livre à peine refermé !

Voici une petite méthode tout à fait empirique pour retenir ce qu’on lit. Elle présente une alternative un peu plus ludique aux fiches classiques. Évidemment, on ne mémorisera pas tout le livre, mais on assimilera ce qui nous parait valoir la peine d’être su.

Le principe est d’utiliser des techniques qui vont faciliter la compréhension des informations, puis leur mémorisation. Enfin, il s’agira de graver ces informations dans notre mémoire sur le plus long terme.

Mémoriser un livre

Lire le livre (et le comprendre)

Lire le livre un carnet à la main (ou son téléphone). Noter et reformuler avec ses mots à soi les idées que l’on souhaite retenir. Faire de même pour l’idée principale de chaque chapitre ou partie.

C’est une lecture active. La reformulation permet de mieux comprendre ce qu’on lit, et de commencer le travail de mémorisation. En effet, on n’assimile pas ce que l’on ne comprend pas, ou que l’on ne cherche pas à retenir.

En fin de lecture, tenter une synthèse de l’ouvrage pour en déterminer l’idée force. Par exemple pour De la Guerre, l’idée la plus riche est que la guerre est soumise à la politique.

Formuler des questions

Le défi est ensuite de mémoriser le livre. Quelques jours après la fin de la lecture, revenir sur ses notes. Pour chaque idée, imaginer une question dont la réponse sera l’idée à retenir. Il est possible de répertorier ces questions dans un fichier de traitement de texte.

Reprenons notre exemple de Clausewitz :

Q : quelle est l’idée la plus riche de De la guerre ?

R : la guerre est soumise à la politique.

Pour approfondir la mémorisation, la réponse peut aussi devenir une question.

Q : pourquoi la guerre est-elle soumise à la politique ?

R : parce qu’elle a pour fin un but politique décidé par le pouvoir politique.

L’objectif de ces questions est de pouvoir se les reposer à intervalles réguliers. Ainsi, l’information se gravera dans la mémoire de long terme.

On peut les réviser toutes les semaines ou tous les mois. Cependant, le plus pratique reste d’utiliser un logiciel prévu à cet effet.

Utiliser un logiciel de mémorisation pour mémoriser un livre

Les logiciels de mémorisation sont des applications qui ont pour but de faciliter la rétention des informations. Ceux qui vont nous intéresser fonctionnent grâce à un système de questions-réponses, comme Anki ou Quizlet.

Leur principal atout est qu’ils sont téléchargeables sur smartphone. Donc exit la programmation des séances de révision, que l’on tient une semaine avant de les reléguer aux oubliettes avec tout ce que l’on avait cru apprendre. À la place, on reçoit des notifications. On n’a rien à faire, et c’est pour ça que ça marche !

Ainsi, il est plus facile de consentir un effort de prise de notes lors de la lecture du livre. On sait qu’elles ne seront pas perdues.

Comment fonctionne un logiciel de mémorisation ?

Il suffit d’enregistrer ses questions et leurs réponses dans le système. Ensuite, le programme gère lui-même le rythme de révision. Il choisit l’intervalle dans lequel il va vous présenter à nouveau une question. Cet intervalle s’étend si la réponse s’avère systématiquement bonne, se rétracte si elle se montre dure à mémoriser.

Les armes et la toge propose des paquets Anki. Le logiciel est gratuit. Mais il existe bien d’autres applications de ce genre !

Chaque paquet Anki est composé de Flashcards. Ces Flashcards servent simplement de support à vos questions-réponses. L’application pose une question, et vous évaluez si votre réponse est correcte, facile ou difficile, ou si vous souhaitez que le logiciel vous repropose la carte rapidement.

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Le but de notre méthode est de positionner l’effort sur la compréhension des informations et non sur la mise en place de révisions rébarbatives.

Nous combinons la mise en forme des informations à retenir sous la forme de questions et l’utilisation d’un logiciel de mémorisation. Cela permet de mieux comprendre et de mieux retenir sur le long terme, avec moins d’efforts à fournir sur la partie qui pèche toujours, la révision.

Grammaire de l’intimidation stratégique

Intimidation stratégique ou dissuasion conventionnelle ?

Grammaire de l'intimidation stratégique. Chars russes sur la place rouge.
Chars T14 sur la place rouge, 2016. ® Ministère russe de la Défense, licence creative commons

VIe siècle, Karkemish, dans le sud de l’actuelle Turquie. Sur la route qui le mène jusqu’au camp de Bélisaire, l’émissaire sassanide jauge l’avant-garde des forces du Byzantin. Dans la plaine, des feux et des bivouacs à perte de vue : des dizaines de milliers de soldats, qui ne sont assurément qu’une petite partie d’une immense armée. Sous sa tente, le général byzantin possède le calme assuré de celui qui se sait le plus fort. L’entrevue sera courte.

De retour auprès de son souverain, l’envoyé ne peut que lui recommander de renoncer à ses projets d’invasion. L’armée à laquelle il fait face est sans doute la plus formidable que l’on ait vue de mémoire d’homme. La rage au ventre, le Perse fait demi-tour.

En réalité, l’armée byzantine ne comptait que quelques milliers de soldats. De faux bivouacs, des forces simulées, des gesticulations trompeuses ont contraint une armée peut-être dix fois plus nombreuse à se retirer.

Intimidation stratégique

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La réflexion qui permet à la ruse de Bélisaire de réussir est la suivante : l’ennemi peut reculer devant le coût qui lui sera imposé pour réaliser ses desseins. Il s’agit simplement de dissuasion. Selon Lucien Poirier, la dissuasion est un « mode préventif de la stratégie d’interdiction, se donnant pour but de détourner un adversaire d’une initiative en lui faisant prendre conscience que l’entreprise qu’il projette est irrationnelle[1] ».

En France, la dissuasion nucléaire demeure la clef de voûte de la stratégie de défense. Les forces conventionnelles la complètent, mais elles peuvent aussi produire un effet de dissuasion autonome. On parle alors d’intimidation stratégique. Toutefois, des forces conventionnelles ne sont pas par nature dissuasives. Dès lors, comment obtenir cet effet de dissuasion par l’intimidation ?

Dissuasion nucléaire et intimidation stratégique

Complémentarité des forces conventionnelles et nucléaires

En France, les forces nucléaires et conventionnelles s’épaulent en permanence. Ces dernières participent à la fonction stratégique « dissuasion ».

Comme l’indique le Concept d’emploi des forces terrestres[2], les forces nucléaires permettent d’écarter tout chantage atomique, garantissant ainsi la liberté d’action des unités conventionnelles. En retour, « les forces conventionnelles permettent d’éviter l’impasse du “tout ou rien” qu’induirait une configuration dans laquelle la France ne disposerait que de moyens nucléaires pour défendre ses intérêts stratégiques[3] ». Forces nucléaires et conventionnelles fonctionnent donc en système.

Dissuasion et intimidation

Mais les forces conventionnelles peuvent aussi produire, de façon autonome, un effet dissuasif. Cependant, contrairement aux armes nucléaires, leur aptitude à la dissuasion peut être « contestée »[4]. En effet, aucun agresseur rationnel ne peut envisager de « risquer le coup » face à un arsenal atomique. En revanche, en présence de moyens conventionnels, même très puissants, il peut toujours espérer obtenir la faveur des armes. L’intimidation stratégique doit donc instiller chez l’adversaire la certitude que son coup sera paré, à l’inverse de la dissuasion nucléaire, qui se sert de l’ambiguïté pour que chaque pas en avant soit un pari sur la vie.

Les unités conventionnelles doivent se tenir prêtes à passer très rapidement d’une posture d’intimidation à une posture d’emploi de la violence. C’est la raison pour laquelle il est convenu de distinguer la dissuasion (incontestable, réservé aux armes atomiques et à leur système) de l’intimidation (contestable, utilisé pour qualifier l’action des forces conventionnelles sur l’esprit du décideur adverse).

Toutefois, tout comme la dissuasion nucléaire, l’intimidation stratégique se fonde sur un calcul coût/bénéfice. L’adversaire doit conclure que les pertes causées par la réalisation de son projet excèderaient par trop les gains qu’il compte en retirer[5]. Mais contrairement à la dissuasion nucléaire, dont le potentiel de destruction permet d’empêcher presque tous les types d’agression grâce au même moyen, l’intimidation conventionnelle ne peut pas espérer créer des coûts exorbitants dans toutes les directions. Elle doit déterminer qui intimider et que décourager, puis adapter son mode d’action.

En effet, on n’intimide pas n’importe quel adversaire avec n’importe quels moyens. Par exemple, la Russie investit énormément dans la technologie de défense sol-air. La raison en est que ces équipements se montrent très dissuasifs pour des armées occidentales qui s’appuient largement sur la puissance aérienne. À l’inverse, savoir que ces systèmes peuvent être rendus inopérants sera bien plus paralysant pour elle que tout autre défi.

Quand mettre en œuvre l’intimidation stratégique ?

Pour identifier qui et quoi intimider, il est nécessaire de déterminer les menaces qui peuvent « contourner la dissuasion[6] » nucléaire. La stratégie de dissuasion française repose sur un petit nombre de principes. Ce sont la défense des intérêts vitaux, l’usage contre des États uniquement, et le fait que l’arme atomique ne saurait apporter une supériorité opérationnelle (elle n’est pas une arme de bataille)[7].

Il est dès lors possible d’isoler au moins trois scénarios dans lesquels cette dissuasion pourrait être contournée « par le bas »[8]. Il s’agirait, d’abord, d’un fait accompli d’occupation militaire (ou de la déstabilisation politique) sur un territoire ultramarin inhabité ou peu protégé. La deuxième hypothèse serait une attaque contre un allié de la France, probablement sous le seuil de l’agression armée. Enfin, le troisième scénario : une attaque menée par un adversaire non étatique, par exemple de type terroriste, contre des intérêts français.

Lire aussi : Les moyens de la dissuasion nucléaire française

Capacité, volonté, communication

Une fois la cible identifiée, l’intimidation stratégique repose sur le triptyque capacité, volonté, communication.

Capacité

L’adversaire doit tout d’abord être persuadé que lui font face des moyens qui peuvent faire échouer son entreprise. C’est le rôle des parades et des défilés militaires menés dans de nombreux pays, comme la France ou la Russie. Il s’agit de montrer sa force. Toutefois, la frontière entre perception et réalité ne doit pas se révéler trop large, car l’intimidation conventionnelle possède une probabilité d’échec non négligeable.

Volonté

Ensuite, la capacité d’action d’un État peut s’avérer peu crédible si l’adversaire ne lui prête pas la volonté de mettre en œuvre ses moyens. En 1990, Saddam Hussein, avec une intention évidente, déclarait à l’ambassadrice américaine qu’il ne pensait pas les États-Unis suffisamment résolus pour perdre dix-mille hommes au combat[9]. La détermination d’une entité politique de faire face aux pertes envisagées demeure primordiale. Il n’est pas question que de pertes humaines ; certains des équipements servis par les armées occidentales, comme les porte-avions, représentent des investissements importants. Elles pourraient se montrer réticentes à les exposer.

Communication

Signifier à un adversaire sa capacité et sa volonté de se défendre passe par une communication adaptée. Le maniement des forces conventionnelles se révèle un excellent moyen de communiquer. Elles rendent audible la stratégie déclarative[10]. En effet, elles peuvent transmettre des messages à la fois clairs et ciblés, parce qu’elles sont visibles et utilisables à un faible coût politique. Doubler les unités présentes sur un territoire ultramarin ou positionner des chars chez un allié envoie un signal très lisible. C’est par exemple ce qu’ont fait les Occidentaux dans les pays baltes. Ce procédé s’avère de plus beaucoup plus simple à assumer que le déploiement de capacités nucléaires.

Interdictions et représailles

Enfin, les forces conventionnelles disposent de deux modes d’action pour communiquer à l’adversaire leur volonté et leur capacité à rendre son intention irrationnelle. Ce sont l’interdiction et les représailles.

L’interdiction consiste à le convaincre que son projet n’a aucune chance d’aboutir, que la résistance se révèlera trop importante ou qu’il ne pourra pas profiter de son succès.

Les représailles cherchent à le persuader que s’il mène son action, quel qu’en soit le résultat, les mesures qui seront prises contre lui feront par trop s’élever le prix à payer et qu’il ne pourra pas conserver ses gains. 

Dialogue stratégique et emploi de la force

L’emploi de moyens conventionnels à des fins d’intimidation facilite donc le dialogue stratégique avec l’adversaire. En dernière analyse, il permet aussi, si nécessaire, de poursuivre ce dialogue par la violence. Ainsi, lorsque le 25 février 2021, l’armée américaine bombarde le poste d’une milice pro-iranienne à la frontière entre la Syrie et l’Irak[11], son intention n’est pas de causer des pertes à un ennemi. Elle souhaite montrer sa détermination et signifier à l’Iran que les milices qui lui étaient affiliées avaient atteint la ligne rouge en attaquant à plusieurs reprises les intérêts américains.

Emploi de la violence et dissuasion

Une difficulté théorique se fait jour dans ce dialogue par la violence. L’emploi de la force ne marque-t-il pas l’échec de la dissuasion ? C’est le cas si on la borne à la première utilisation des armes[12]. Il n’apparait donc pas tout à fait opportun d’identifier intimidation et dissuasion. En effet, la nature « contestable » de l’intimidation ne garantit pas l’absence de violence physique. Rien n’interdit aux parties en présence de se tester. Mais l’acte de violence possède toujours un objectif. En l’occurrence, celui de faire comprendre une intention n’entre pas dans la même logique que l’imposition par les armes d’un projet politique.

Il est enfin tout à fait possible d’intimider un grand nombre d’acteurs grâce à l’emploi complet de ses forces armées. Ainsi, avec l’opération Desert Storm en 1991, les États-Unis ont prouvé à la fois leur capacité et leur volonté de s’ériger en régulateur incontournable des relations internationales. Cela a durablement marqué certains États, qui ont conclu que les actions conventionnelles leur étaient désormais interdites[13].

Violence et nature de l’intimidation stratégique

Comme il est beaucoup plus difficile de mesurer une volonté qu’une capacité[14], de telles démonstrations peuvent aider l’adversaire à comprendre que son entreprise est vaine. La violence armée doit s’appliquer au bon endroit, au bon moment, avec la puissance de destruction juste suffisante. Il faut l’adapter et la calibrer pour que l’ennemi entende le message. L’emploi de la force n’est pas synonyme d’échec de l’intimidation stratégique. Elle fait partie de sa nature.

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À l’image de l’ensemble du champ de la conflictualité, l’intimidation stratégique se construit donc à l’aide d’une grammaire propre. Le parti qui cherche à intimider un adversaire doit déterminer comment il va communiquer à l’autre qu’il a la capacité et la volonté d’empêcher une entreprise précisément identifiée. Il aura ensuite deux modes d’action possibles, l’interdiction et les représailles. Il est enfin impératif qu’il se tienne prêt à passer de l’intimidation à la coercition. À l’inverse de la dissuasion, l’intimidation stratégique ne peut écarter l’emploi de la force.

Loin de signifier un échec de la diplomatie et du dialogue, la violence physique peut en représenter l’ultime extrémité ; levant les malentendus, elle est l’indispensable mesure de la volonté et permettra, peut-être, d’éviter des maux plus grands.

Nicolas Farce

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Notes et références :

[1] Poirier, Lucien, « Dissuasion (stratégie de) », dans Chaliand, Gérard, Blin, Arnaud, Dictionnaire de stratégie militaire, Paris, Perrin, 1998, p.180.

[2] Centre de Doctrine et d’Enseignement du Commandement, Concept d’emploi des forces terrestres (CEFT) 2020 – 2035, Ministère des armées, 2021.

[3] Centre de Doctrine et d’Enseignement du Commandement, op.cit., p. 27.

[4] Wirtz, James J., « How Does Nuclear Deterrence Differ from Conventional Deterrence », Strategic Studies Quarterly, 12, 2018, 4, pp. 58-75.

[5] Henrotin, Joseph, « La dissuasion », dans Taillat, Stéphane et al., Guerre et stratégie, Paris, Presses Universitaires de France, 2015, p. 437.

[6] Centre de Doctrine et d’Enseignement du Commandement, op.cit., p. 9.

[7] Macron, Emmanuel, op. cit.

[8] Centre de Doctrine et d’Enseignement du Commandement, op.cit., p. 22.

[9]   Glaspie, April, « Confrontation  in  the  Gulf;  Excerpts  from  Iraqi  Document  on  Meeting  with  U.S.  Envoy, » New York Times, 23 septembre 1990, A-19, [en ligne], disponible sur https://www.nytimes.com/1990/09/23/world/confrontation-in-the-gulf-excerpts-from-iraqi-document-on-meeting-with-us-envoy.html, consulté le 28 octobre 2021.

[10] Coutau-Bégarie, Hervé, Traité de stratégie, Paris, Économica/ISC, 2011.

[11] Sallon, Hélène, « Joe Biden trace sa ligne rouge face aux menaces de l’Iran et des milices chiites », Le Monde, 27 février 2021, [en ligne], disponible sur https://www.lemonde.fr/international/article/2021/02/27/joe-biden-trace-sa-ligne-rouge-face-aux-menaces-de-l-iran-et-des-milices-chiites_6071401_3210.html, consulté le 29 octobre 2021.

[12] Poirier, Lucien, « Dissuasion (stratégie de) », dans Chaliand, Gérard, Blin, Arnaud, op.cit., pp.181 — 182.

[13] La guerre du Golfe est le point de départ de la réflexion de Liang, Qiao, et Xiangsui, Wang, La guerre hors limites, Paris, Payot & Rivages, 2006

[14] Tertrais, Bruno, Les limites de la dissuasion, Fondation pour la Recherche Stratégique, Paris, 2009, p.26.

La France doit-elle quitter l’OTAN ?

La France doit-elle quitter l'OTAN ?
U.S. Air Force photo by Staff Sgt. Joe Laws, Public domain, via Wikimedia Commons.

A l’heure où la guerre fait à nouveau irruption en Europe, plusieurs candidats à l’élection présidentielle française proposent une sortie de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

L’OTAN est une organisation politique et militaire qui regroupe de nombreux pays de l’hémisphère Nord. Elle est une alliance défensive dont le cœur est l’article cinq de son traité fondateur, par lequel les membres se promettent assistance mutuelle en cas d’attaque armée de leur territoire. La participation de Paris à l’Alliance atlantique est souvent accusée de porter le risque d’entraîner la France vers des conflits non choisis. 

Alors, la France gagnerait-elle en liberté d’action hors de l’OTAN ?

Les contraintes du statut d’allié

Il est vrai que la participation de la France à l’Alliance atlantique s’accompagne de contraintes. Elle bride en partie la liberté d’action diplomatique et militaire de Paris. Cela explique que certains souhaitent voir la France quitter l’OTAN.

Un alliance inutile ?

Pour commencer, l’OTAN serait peu utile à la France. L’Alliance est certes d’une importance vitale pour des pays qui possèdent une frontière avec la Russie. Mais ce n’est pas le cas de la France. En effet, elle ne fait face à aucune menace existentielle. De plus, elle dispose en dernier recours de l’arme nucléaire. Le pays est donc capable de se défendre seul. En outre, l’un de ses principaux compétiteurs, la Turquie, est aussi membre de l’OTAN. Or, l’incident du Courbet en 2020 a montré les limites du soutien que l’organisation est prête à apporter à Paris.

Une alliance dangereuse ?

Ensuite, le statut d’allié pourrait entraîner la France dans des conflits non choisis. En effet, des pays membres de l’OTAN, comme la Pologne ou les pays baltes, pourraient choisir d’instrumentaliser leur contentieux historique avec la Russie. Membres de l’Alliance, ils pourraient utiliser leur rapport de force favorable dans une lutte d’intérêt avec Moscou, quitte à la faire dégénérer. De l’autre côté du miroir, la Russie perçoit l’Alliance comme une menace existentielle. La marche inexorable de l’OTAN vers les frontières russes fait partie des causes invoquées par Moscou pour justifier son invasion de l’Ukraine.

OTAN et souveraineté

Enfin, la participation à l’OTAN s’accompagne nécessairement d’une limitation de souveraineté diplomatique et militaire. L’OTAN est certes une alliance militaire, mais elle possède une portée politique. Or, il n’est pas possible pour la diplomatie française de se détacher complètement des prises de position du secrétaire général. D’autre part, la nécessaire « interopérabilité » des forces de l’OTAN passe par une américanisation des procédures de l’armée française. Cependant, ces façons de faire, telles que le « kill contract » (destruction d’une partie des moyens adverses avant l’engagement) sont adaptées à l’armée américaine. Les importer dans une armée à la doctrine, à la mentalité et aux aux équipements différents pourrait mener à catastrophes opérationnelles.

Il existe donc bien des raisons de vouloir prendre ses distances par rapport à l’OTAN. Cependant, les avantages du statut de membre restent importants.

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De l’utilité de l’Alliance

Même s’il n’existe aujourd’hui aucune menace aux frontières françaises, être membre de l’OTAN reste pertinent.

Une tribune pour la France

Tout d’abord, la participation à l’OTAN permet de renforcer l’influence française. L’organisation constitue une tribune et un forum qui fournit à la France des moyens supplémentaires pour faire valoir ses positions. En effet, le poste de Supreme Allied Commander Transformation (SACT), l’un des deux Supreme Allied Command, est réservé à un général Français. De plus, imposer sa présence dans les organes de décision permet de peser sur les choix de l’Alliance. Conserver sa place à l’OTAN, c’est aussi conserver sa place dans le concert des nations.

Conserver un rapport de force favorable

En outre, les grands compétiteurs de l’Occident n’hésitent plus à recourir à la force. Il apparaît pertinent de rester membre d’une alliance défensive qui dispose de la puissance des États-Unis comme argument principal. Les interventions russes en Ukraine et turques en Syrie ont montré que le tabou de la conquête n’était plus opérant. À ce titre, la France possède des faiblesses, notamment dans la défense de ses territoires ultramarins comme la Guyane ou la Nouvelle Calédonie. Qui plus est, avec l’invasion de l’Ukraine par les forces russes, la guerre a atteint les frontières de l’Union Européenne. Il apparaît donc sage de conserver un rapport de force favorable face au voisin russe pour lui éviter des tentations.

L’OTAN face aux nouvelles menaces

Pour terminer, l’OTAN à su évoluer pour s’adapter aux menaces contemporaines (voir notre article sur la RDN en ligne). Elle a élargi la notion de défense pour faire face à des agressions en deçà du seuil de l’attaque armée. Depuis le sommet de Bruxelles en 2021, une attaque cyber pourrait déclencher l’article 5. L’Alliance a donc renforcé son caractère dissuasif face à des attaques dites « hybrides ». Or, la France ne peut pas se considérer à l’abri de telles attaques.

Rester membre de l’OTAN conserve donc sa pertinence, malgré des contraintes réelles. En dernière analyse, se retirer de l’Alliance ferait même perdre à la France bien plus de liberté d’action qu’elle n’en gagnerait.

Alliance atlantique et liberté d’action

Finalement, la véritable question est le maintien de la liberté d’action de la France. Or, renoncer à l’Alliance serait synonyme d’une perte considérable de cette liberté.

Quitter le commandement intégré ?

Quitter le commandement intégré de l’OTAN n’aurait guère de sens. Certes, cela garantirait que l’organisation des armées françaises réponde à leurs besoins propres, et non à ceux de l’OTAN. Mais la recherche de l’interopérabilité avec l’armée américaine se poursuivrait, voire se renforcerait. Et par-dessus tout, en tant que membre de l’Alliance, la France se verrait imposer des décisions prises par le commandement intégré, sur lesquelles elle n’aurait aucun doit de regard.

Article cinq et liberté d’action

De façon assez contre-intuitive, l’article cinq du Traité de l’Atlantique Nord n’est pas tout à fait contraignant. Les rédacteurs du texte se sont assurés qu’en cas d’activation, les voies et moyens d’assistance mutuelle resteraient totalement dans la main des nations. Son déclenchement n’est donc pas automatiquement synonyme de guerre. La France pourrait très bien choisir de ne pas s’engager. Toutefois, force est de reconnaître que l’activation de l’article cinq pourrait pousser un éventuel adversaire à employer immédiatement tous les moyens à sa disposition, y compris nucléaires, contre l’Alliance.

La France contre l’OTAN ?

Par-dessus tout, il pourrait n’être pas opportun de quitter l’Alliance alors que la Turquie, l’un des principaux compétiteurs de la France, en resterait membre. Le rapport de force ainsi créé serait très défavorable à Paris, qui ne pourrait défendre au mieux ses intérêts.

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Il n’apparaît donc pas opportun pour la France de quitter l’OTAN, ni de se retirer du commandement intégré. Certes, faire partie de l’Alliance atlantique impose un certain nombre de contraintes. Mais in fine, le rapport de force créé par l’OTAN est le garant du maintien de la liberté d’action de Paris, dans un monde ou le recours à la force paraît de plus en plus décomplexé.

Toutefois, face à la tendance de long terme qu’est le désengagement américain d’Europe, il n’apparaît pas pour autant sage de confier la sécurité du continent à Washington. La participation à l’OTAN ne saurait se substituer à la volonté politique de défendre ses intérêts par la force. Or, cette éventualité pourrait être à moyen terme imposée aux vieilles nations d’Europe.  

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Voir aussi Qu’est-ce que la guerre hybride ?