Comprendre les cinq formes de courage chez Aristote en moins de cinq minutes

Aristote décrit cinq formes de courage dans Ethique à Nicomaque.

Dans Éthique à Nicomaque, Aristote traite de la morale, du bien et des vertus. Au livre III, il s’arrête quelques pages sur le courage.

Le courage chez Aristote

Pour Aristote, le courage est une vertu empreinte de modération, juste milieu entre la témérité et la crainte excessive.

Est courageux celui qui est capable d’endurer le risque de la mort, particulièrement à la guerre « au milieu des périls les plus grands et les plus glorieux ». Mais il existe une condition : que ses actes soient guidés par la raison. En effet, celle-ci doit amener à la conviction que soutenir les périls est ce qui est beau, c’est-a-dire au sommet du système de valeurs de la cité. Sans noblesse du motif de l’action, pas de véritable courage.

Aristote passe au crible cinq formes de courage, ou plutôt cinq comportements qui se rapprochent plus ou moins du courage tel qu’il l’a défini.

1. Le courage du citoyen

C’est celui qui se rapproche le plus du courage véritable. En effet, « les citoyens, semble-t-il, affrontent  les dangers tant par crainte des peines infligées par les lois et du déshonneur que par désir des charges honorifiques ». Il est donc produit tant par la recherche de l’honneur que par la volonté d’éviter la honte. Le courage des troupes contraintes par leur chef est d’un ordre inférieur, puisque ces hommes agissent par crainte, non du déshonneur, mais du châtiment. Elles sont forcées de se montrer braves, mais la fin qu’elles recherchent n’est pas en accord avec leur conduite.

2. L’attitude martiale

Le courage peut aussi provenir de l’expérience de la proximité des dangers : les troupes professionnelles savent faire la différence entre une situation sans véritable risque et un danger réel. Cependant, il n’y a là que l’apparence du courage, puisque cette expérience ne permet que de connaître la nature réelle du danger, non d’y faire face avec bravoure. Ainsi, des soldats de métier peuvent paraître courageux en présence de dangers qu’eux seuls savent inoffensifs, pour tourner les talons dès qu’une véritable menace apparaît.

3. Le courage de la colère

Le courage que procure la colère n’est là encore que l’apparence du courage véritable. En effet les choix opérés sous l’emprise de la passion ne le sont pas dans la recherche de l’honneur. C’est le courage des bêtes. L’homme aiguillonné par la passion ne devient véritablement courageux que s’il est d’abord guidé par la raison et qu’il poursuit un but noble.


Voir aussi Comprendre la dimension morale du combat chez Ardant du Picq en moins de cinq minutes.

4. Le courage procuré par la confiance

Le courage des gens pleins d’assurance n’est pas le véritable courage. Leur confiance ne provient que des victoires passées, et du fait qu’ils pensent qu’ils n’ont rien à craindre. C’est donc une illusion rassurante. Que survienne un revers, et elle s’effondre. 

5. L’ignorance du danger

Enfin, l’ignorance du danger ne saurait s’apparenter au courage. Elle n’est qu’inconscience.

Chez Aristote, le courage est donc une vertu individuelle et guerrière. Elle n’est réalisée que par une action noble conduite au nom d’un motif noble. Cette vertu s’insère dans le faisceau des représentations de la société grecque : c’est la cité qui prescrit ce qui est noble ou honteux. Le courage, même s’il est une vertu individuelle, est donc politiquement construit.

« l’homme courageux est à l’épreuve de la crainte autant qu’homme peut l’être. Aussi, tout en éprouvant même de la crainte dans les choses qui ne sont pas au delà des forces humaines, il leur fera face comme il convient et comme la raison le demande, en vue d’un noble but »

Aristote, Éthique à Nicomaque

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Comprendre la dimension morale du combat chez Ardant du Picq en moins de cinq minutes

Dans ses Études sur le combat (1880, posthume), le colonel Charles Ardant du Picq (1821 - 1870) se propose de partir du soldat et du combat réels, et non de conceptions théoriques pour déterminer ce qu’il est possible de faire à la guerre. En effet, les choses qui se conçoivent en esprit ou se réalisent sur le champ de manœuvre ne sont pas forcément réalisables au combat, à cause de « instrument premier de la guerre » : l'homme.

Dans ses Études sur le combat (1880, posthume), le colonel Charles Ardant du Picq (1821 – 1870) se propose de partir du soldat et du combat tels qu’ils sont en réalité, et non de conceptions théoriques, afin de déterminer ce qu’il est possible de faire à la guerre.

En effet, les choses qui se conçoivent en esprit ou se mettent en œuvre sur le champ de manœuvre ne sont pas forcément réalisables au combat, à cause de cet « instrument premier de la guerre » qu’est l’homme, et de l’émotion souveraine à la guerre, la peur.

Il analyse les guerres antiques, et notamment les formations tactiques des Romains, avant de décortiquer le combat du XIXe siècle.

Le moral est la dimension clef du combat

Pour Ardant du Picq, le moral est la dimension clef du combat. Dès lors, toutes les prétentions à aborder la guerre de façon mathématiques sont vaines.

Il remarque qu’au combat, le feu n’est pas efficace. Les études de l’époque montraient qu’il fallait environ 3000 cartouches pour blesser un adversaire, en raison des conditions du combat comme la fumée provoquée par les armes, et surtout de la peur. On tirait alors vite et sans viser, afin de construire l’illusion de la sécurité et oublier le danger. A bien des égards, cela n’a pas changé. Il note que le feu des tirailleurs, moins exposés au danger parce que dispersés, est beaucoup plus efficace que celui des bataillons.

Le feu, physique, a moins d’effet sur l’ennemi que le mouvement, qui apporte la perspective morale du choc qui fait lâcher le plus fébrile. Ardant du Picq analyse des combats de cavalerie et d’infanterie pour montrer que le choc, le corps à corps, ne se produit pour ainsi dire pas. Il démontre que l’unité dont le moral est le plus faible, souvent l’unité qui doit soutenir le choc, tournera les talons à la seule perspective du contact physique avec l’ennemi.


La discipline selon Ardant du Picq

Dans ces conditions, comment maintenir les hommes au combat ? Seule la discipline le permet. Dans Études sur le combat, elle peut s’apparenter à de la surveillance mutuelle entre soldats, ou à ce que l’on pourrait appeler la pression sociale de l’unité. Notons que l’auteur considère que les châtiments permis à l’époque n’étaient plus assez efficaces pour faire tenir la troupe en ligne et qu’il fallait un autre levier.

La discipline ne doit en effet pas être comprise comme le fait d’obéir aux ordres sans broncher, mais bien comme ce qui rend capable de rester avec et pour ses camarades dans une situation que l’instinct commande de fuir.

Finalement, les organisations militaires et les systèmes de commandement sont d’abord et avant tout des mécanismes de gestion de la peur.

« Le combattant est de chair et d’os, il est corps et âme, et, si forte que soit l’âme, elle ne peut dompter le corps à ce point qu’il n’y ait révolte de la chair et trouble de l’esprit en face de la destruction ».

Colonel Charles Ardant du Picq, Études sur le combat, PARIS, HACHETTE, 1880

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Études sur le combat sur Gallica

Voir aussi Comprendre la Stratégie intégrale du général Poirier en moins de 5 minutes

Voir aussi L’Apparition du Soldat : La Bataille de Solférino, Sur le champ.