Dans La transformation de la guerre, Martin Van Creveld aborde les motivations qui poussent les hommes à se jeter dans la guerre. Ce n’est pas la thèse centrale de l’ouvrage, qui est que les conflits de basse intensité sont l’avenir de la guerre et que la conception occidentale de la guerre, basée sur le modèle trinitaire clausewitzien, est erronée, mais elle m’a paru davantage digne d’intérêt.
Les hommes et la guerre
Les hommes se battent pour quatre raisons principales.
Par amour du danger. Il exerce depuis toujours une grande fascination sur l’homme, qu’il transcende et grandit en le confrontant à sa propre mort.
« Le caractère unique de la guerre réside précisément dans le fait qu’elle a toujours été, et demeure encore la seule activité créatrice qui non seulement permet mais exige l’engagement total de toutes les facultés humaines contre un adversaire aussi fort que soi-même ».
Martin Van Creveld, La transformation de la guerre, p. 214.
La guerre est un jeu avec la mort, le plus fort des jeux. La guerre serait donc… la continuation du sport, compris comme une situation de prise de risque volontaire, par d’autres moyens.
Pour une noble cause. Cette cause peut être mythique ou idéalisée, comme la liberté, la justice, ou une région rendue symbolique par les conflits passés. Cette cause est coupée de la raison, et n’a d’existence que dans l’esprit des hommes.
Pour l’honneur, qui est la seule chose que l’on emporte dans la tombe. Ce sentiment de l’honneur est renforcé par des rites, mais aussi par la symbolique de certaines armes, tenues ou d’objets. On ne compte plus les soldats qui se sont sacrifiés pour sauver leur étendard.
Pour la survie, dans le cadre d’une guerre d’extermination. C’est un des rares cas dans lesquels les motifs individuels et collectifs de la guerre sont identiques.
Les motivations individuelles sont les véritables raisons des guerres
Sans ces motivations individuelles, point de guerre. Selon Van Creveld, ce qui pousse individuellement les hommes à se battre est aussi la cause des guerres.
Le péché originel des stratèges occidentaux est de croire que la guerre permet d’atteindre un but politique abstrait, et de ne pas prendre en compte les motifs de ceux qui se battent. Or, pour ceux-ci la guerre est une fin en soi. Les hommes font aussi la guerre… parce qu’ils aiment ça.
Pourquoi les femmes ne combattent pas
Les hommes, oui, mais les femmes ? Hormis certaines exceptions très locales dans des situations désespérées, la guerre est un exercice presque spécifiquement masculin.
Or, l’absence des femmes ne s’explique ni par la peur du viol ni par une prétendue infériorité physique. Selon Martin Van Creveld, la cause réelle en est la dévalorisation systématique aux yeux des hommes des activités auxquelles les femmes participent. Les hommes donneraient de l’importance à ce qu’ils réalisent, pour sublimer le fait de ne pas pouvoir enfanter : la guerre en est l’exemple par excellence : ils en privent donc les femmes. Si les femmes combattaient sur un pied d’égalité avec les hommes… les jours de la guerre seraient comptés ! Dans ces conditions, la féminisation des armées occidentales s’expliquerait par le fait que ces armées auraient entériné qu’elles ne partiraient plus véritablement en guerre.
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« La guerre est la vie écrite en majuscules »
Martin Van Creveld, La transformation de la guerre
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L’édition utilisée pour cet article est Martin van Creveld, La transformation de la guerre, Monaco, éditions du rocher, 1998.
Voir aussi l’étonnante trinité chez Clausewitz.