Carnage et culture. Comprendre les raisons de la supériorité militaire occidentale selon V. D. Hanson en cinq minutes

Selon Victor Davis Hanson dans Carnage et culture, la supériorité militaire occidentale serait d’origine culturelle.

Dans Carnage et culture, Victor Davis Hanson estime que la supériorité militaire occidentale est d’origine culturelle.

Il ne s’agit pas de démontrer une hypothétique supériorité culturelle occidentale, mais d’expliquer que les raisons de la suprématie militaire de l’Occident se trouvent dans les éléments constitutifs de sa culture.

Nous reprenons ci-dessous ces différents éléments illustrés par les exemples historiques sélectionnés par V.D. Hanson.

Liberté

Les combattants occidentaux sont des hommes libres, et non pas des esclaves. Cette liberté amène une supériorité dans le domaine du moral des troupes, comme pour les Grecs à Salamine en 480 av. J.-C. De plus, elle permet de questionner le chef et de prendre des décisions collégialement. Elle favorise enfin la prise d’initiative.

Bataille décisive

Selon V.D. Hanson, la bataille décisive est apparue au VIIIe siècle av. J.-C., en Grèce, pour régler les conflits entre groupes de petits propriétaires terriens rapidement et à moindre coût. En effet, l’alternative à la bataille est un enchaînement de campagnes de destruction des moyens de subsistance adverses, qui, s’ils se prolongent, empêchent les hommes de retourner à temps aux champs.

Cette recherche de la bataille rangée, frontale et décisive est un facteur de supériorité face à des cultures qui privilégient l’escarmouche, le raid, le pillage et la mobilité, comme à Gaugamelès en 331 av. J.-C. En effet, alors que les Perses ont réussi à percer le dispositif macédonien, ils n’encerclent pas les phalanges pour les détruire, mais se ruent vers le camp ennemi pour le piller. En revanche, une fois Darius hors d’atteinte, et alors même qu’il est déjà vainqueur, Alexandre se retourne contre la cavalerie perse pour l’anéantir.

La recherche occidentale de la bataille rangée conduit cependant à une impasse : au XXe siècle, personne ne souhaite plus affronter les armées occidentales en face, à part d’autres européens, et dans un cas comme dans l’autre la décision n’est ni rapide ni peu coûteuse.

Militarisme civique

Le militarisme civique, avec le modèle du soldat-citoyen, donne une grande résilience à l’Occident, qui peut perdre des armées entières et en lever de nouvelles très rapidement. Par exemple, à Cannes, en 216 av. J.-C., les Carthaginois infligent aux Romains une défaite écrasante. Mais ces derniers réussissent à lever une nouvelle armée grâce à l’extension de l’attribution de la citoyenneté à tous ceux qui servent dans la légion et à la mise en place d’un service militaire.

C’est Rome qui fixe le modèle occidental du citoyen-soldat possédant le droit de vote. La condition du légionnaire est codifiée par écrit dans le droit, dans les domaines de la solde, de la retraite, ou des sanctions.

Note de l’auteur : il est curieux de noter que la bataille de Cannes, idéal-type de la bataille décisive… n’a pas été décisive du tout.

Infanterie

L’Occident donne la primauté donnée à l’infanterie lourde d’hommes libres inspirée de la tradition antique, à la discipline et au collectif. La bataille de Poitiers en 732 illustre son efficacité face au nombre, à la cavalerie et aux prouesses individuelles des musulmans. Elle sera plus tard renforcée par l’usage des armes à feu.

Technologie

Les Occidentaux bénéficient d’une domination technologique qui est rendue possible par leur culture. En effet, si la poudre à canon a été inventée en Chine, ce sont bien les Européens qui ont développé les armes à feu à grande échelle. Ce sont l’organisation économique (capitalisme), politique (liberté) et la tradition intellectuelle (rationalisme) qui autorisent l’adoption et le développement d’une technique.

C’est cette domination technique qui permet à Cortès de s’emparer de Tenochtitlan en 1520-1521 malgré sa très nette infériorité numérique.

Capitalisme

Le capitalisme permet à l’occident de produire des armes très efficacement.

Les Occidentaux remportent la bataille de Lépante en 1571 parce que le capitalisme a permis à Venise de produire à profusion des armes efficaces, en l’occurrence des navires, sans que sa puissance soit tributaire de ses ressources, de la taille de son territoire ou de sa population. Le capitalisme lui-même n’existe que grâce à la liberté politique et au rationalisme.

Discipline

La discipline, qui n’est pas l’obéissance aveugle, est ce qui permet aux hommes de combattre en ordre et de tenir les rangs. Elle n’existe que parce que les relations entre le soldat et le pouvoir politique sont codifiées et acceptées. Pour l’Occident, la discipline est plus importante que la force ou la bravoure personnelle.

À Rorke’s drift, en 1879, c’est leur discipline qui donne la victoire à des Anglais largement en sous nombre.

Individualisme

La foi de l’Occident dans l’individu autorise des adaptations rapides à tous les niveaux. À la bataille de Midway en 1942, la chaîne de commandement américaine fut souple, capable de s’adapter et de faire preuve d’hétérodoxie, alors que les Japonais avaient un plan de conception et d’exécution rigide.

La puissance militaire du Japon, et sa technologie copiée sur l’Occident s’accordait mal avec sa culture, qui ne comprenait ni rationalisme ni liberté, et qui lui rendait difficile toute adaptation rapide.

Autocritique

Les opérations militaires occidentales sont soumises à un audit politique et à un examen public. Cela entretient un sentiment de responsabilité et permet une amélioration perpétuelle, même si paradoxalement ils gênent la conduite de la guerre en cours. Si l’offensive du Têt, en 1968, est repoussée par les Américains qui infligent de fortes pertes au Viêt-Cong, elle montre surtout à l’opinion publique états-unienne que les objectifs fixés sont loin d’être atteints. L’autocritique met à jour une impasse stratégique.  

Et finalement, si l’Amérique perd la guerre, son modèle en sort renforcé dans le monde. Grâce à la culture de la liberté et de l’acceptation de la contradiction, l’Occident conserve le monopole du récit.

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Selon V. D. Hanson dans Carnage et culture, la guerre à l’occidentale ne se fonde donc pas que sur la suprématie technique, mais sur tout un éventail d’institutions sociales, politiques, culturelles, responsables, en système, d’avantages militaires qui vont bien au-delà de la possession d’armes sophistiquées. Le paradigme occidental de la guerre mis en place depuis l’antiquité se caractérise aussi par sa létalité et son absence de rituels.

Finalement, la culture occidentale donne à notre manière de faire la guerre une plus grande résilience et une plus grande capacité de destruction. Elle ne s’accompagne d’aucun avantage sur le plan de la conduite stratégique des opérations. Nous tuons mieux, mais cela ne suffit pas aujourd’hui plus qu’hier pour gagner les guerres.

Loin d’une glorification de notre manière de faire la guerre, c’est cela qu’il nous faut retenir de Carnage et culture.

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Voir aussi Comprendre la montée aux extrêmes chez Clausewitz en cinq minutes.