Quand le général Poirier théorisait la guerre hybride avant la guerre hybride.

Dans Stratégie théorique II, le général Poirier décrit une conflictualité qui déborde du cadre de la guerre sous la pression des armes nucléaires. Cet état entre guerre et paix n’est pas sans rappeler ce que nous appelons aujourd’hui la « guerre hybride ». Qui d’ailleurs à toujours existé mais c’est un autre débat…

Dans Stratégie théorique II, le général Poirier décrit une conflictualité qui déborde du cadre de la guerre sous la pression des armes nucléaires, ce qui n'est pas sans rappeler ce que nous appelons aujourd'hui la « guerre hybride »

Commerce compétitif

Il introduit dans le champ théorique le concept de « Stratégie intégrale ». Afin de réaliser leur projet politique tout en contrant ceux de leurs adversaires, les acteurs sociopolitiques combinent des stratégies militaire, économique et culturelle.

L’état de tension conflictuel sans recours à la violence physique qui naît de l’opposition des projets politiques des différents acteurs est appelé « commerce compétitif ». Or, avec l’apparition des armes nucléaires, cet état de tension va évoluer vers ce que le général nomme « agressivité généralisée ».

Manœuvre des crises

En effet, à cause de la perspective d’un affrontement nucléaire, la réalisation du projet politique des États se retrouve en grande partie privée de la dimension militaire de leur stratégie intégrale. Cela entraîne un surcroît d’activité et d’agressivité dans les stratégies économiques et culturelles, mais avec pour obligation de rester « en deçà du seuil critique du conflit ouvert », brouillant la distinction entre paix et guerre dans une « manœuvre des crises ».

La stratégie militaire doit dans ce contexte utiliser des « formes infra-guerre ». Auparavant, la guerre englobait la stratégie militaire. Elle n’en est désormais que l’une des modalités.

Enfin, lisons la description que nous fait le général ce type de conflictualité, qui si elle exprime la réalité de la guerre froide, pourrait être à peu de choses près celle de la guerre hybride :

« Des interventions, très localisées et ponctuelles, d’une violence plus ou moins bien contrôlée (agitation, attentats, sabotages, coups d’État, piraterie, terrorisme, subversion, etc.), appuient des propagandes idéologiques et des pressions économiques qui tournent au défi, des marchandages qui ne se cachent plus d’être chantages. »

Lucien Poirier, Stratégie Théorique II

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Voir aussi Les métamorphoses de l’hybridité.