La Nouvelle-Calédonie, un territoire à décoloniser ?

Pourquoi la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française figurent-elles sur la liste de l’ONU des territoires à décoloniser ? Quels en sont les critères ?

Nouvelle Calédonie liste territoires à décoloniser
Girard – La Nouvelle-Calédonie, paru dans Le Monde illustré, 25 avril 1857

L’ONU et le processus de décolonisation

L’ONU possède une liste des territoire qu’elle estime non décolonisés.

Selon la résolution 1514 de l’assemblée générale, « tous les peuples ont le droit à la libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique ». Elle crée en 1961, le Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux (ou « Comité spécial de la décolonisation »). Ce comité dresse une « liste des territoires non autonomes ».

À l’heure actuelle, l’ONU considère 17 territoires comme non autonomes.

Comme on le voir, la Nouvelle-Calédonie, comme la Polynésie française figurent sur cette liste.

Territoires à décoloniser : quels critères

Le comité spécial de la décolonisation dresse la liste des territoires à décoloniser. Comment fonctionne-elle ? Quels sont les critères pour y figurer ?

L’ONU qualifie de « non autonomes », les « territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles mêmes ». Un territoire non autonome peut être désinscrit de la liste à trois conditions :

  • s’il est devenu État indépendant et souverain ;
  • s’il s’est librement associé à un État indépendant ;
  • s’il s’est intégré à un État indépendant.

Le comité spécial de la décolonisation a donc pour tâche d’évaluer si les populations concernées se sont effectivement prononcées ou non.

Par exemple, les îles Tokelau, territoire administré par la Nouvelle-Zélande ont explicitement refusé l’indépendance par référendum. Mais le territoire figure toujours sur la liste. En effet, le seuil des deux tiers de voix était fixé pour valider l’autodétermination. Cependant, les votes ont tout de même atteint par deux fois environ 60 % de voix en faveur de l’indépendance. L’ONU a donc considéré que ces scrutins n’étaient pas probants et à maintenu Tokelau sur la liste.

Il n’existe pas de liste de critère objectifs. Les recommandations du comité sont donc avant tout politiques. Or, compte tenu de sa composition, son objectivité s’avère questionnable.


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Le comité spécial de décolonisation : une arme politique

Le comité spécial de décolonisation propose la mise à jour la liste des pays à décoloniser à l’Assemblée générale. Il est dominé par des pays qui possèdent un intérêt à présenter l’Occident comme toujours colonisateur et immoral.

En effet, aucun pays occidental n’y participe. En revanche, la Chine, la Russie, l’Iran, le Mali et la Syrie en sont membres. Or, tous ces pays possèdent un intérêt bien compris à mettre la pression sur les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. En effet, seuls ces trois pays, plus la Nouvelle-Zélande, sont considérées comme « puissance administrante » (comprendre, coloniale).

Curieusement, alors que le Sahara occidental figure sur la liste, l’ONU ne désigne pas le Maroc comme « puissance administrante ». Nulle mention non plus de Hong-Kong, dont la population ne s’est jamais prononcée sur le sort de son île, ni du Tibet.


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La cas français : la Nouvelle-Calédonie, un territoire à décoloniser ?

Dans ce contexte, l’inscription (ou la réinscription) de territoires français du Pacifique sur la liste ne surprendra plus. Quels sont les arguments avancés ?

Concernant la Nouvelle Calédonie, l’ONU l’a réinscrite sur la liste des territoires à décoloniser en 1986. Elle y figure toujours. Le comité considère que les trois référendums ne sont pas suffisants pour régler la question.

En effet, selon Semir Al Wardi, chercheur en sciences politiques, « le troisième référendum est considéré par les observateurs internationaux comme très discutable. On peut donc dire que l’argument selon lequel il y a eu trois référendums et on peut s’arrêter là n’est pas recevable en général par les observateurs internationaux. »

Pour la Polynésie française, ce sont des Etats insulaires du Pacifique, les îles Salomon, Nauru, Tuvalu, Samoa, ainsi que le Timor Oriental qui portent la réinscription de 2013. Elle s’effectue malgré l’opposition de l’assemblée polynésienne. En effet, élire une assemblée défavorable à l’indépendance n’équivaut pas à la tenue d’un referendum en bonne et due forme.

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L’inscription ou la désinscription d’une entité sur la liste des territoires à décoloniser est donc un acte de droit international, mais aussi et surtout politique. L’absence de critères objectifs permet une lecture partiale du droit à l’autodétermination. La seule mention de « territoires dont les populations ne s’administrent pas encore complètement elles mêmes » permet une grande liberté à l’assemblée générale. Mais sa liberté n’est semble-t-il pas assez grande pour considérer le cas de territoires administrés par la Chine qui n’ont jamais eu l’occasion de déterminer librement leur statut politique.

Pour aller plus loin, Dix questions fréquemment posées sur l’Organisation des Nations Unies et la décolonisation.

L’ONU, l’impossible réforme

L’Organisation des Nations Unies (ONU) possède une légitimité incontestée sur la scène internationale. Toutefois, le blocage de ses institutions appelle une réforme depuis maintenant plusieurs années. Aucun changement majeur ne parvient cependant à s’imposer. L’ONU peut-elle se réformer ?

ONU réforme
Les armes et la toge

Il est inutile d’attendre une modification majeure du fonctionnement des Nations Unies à court terme. Le Conseil de sécurité en détient les clefs. Or, ses membres ne devraient pas facilement accepter une réforme qui réduit leur pouvoir.

Partie 1. Le blocage de l’ONU.

Partie 3. À quoi sert vraiment l’ONU ? (à venir)

L’ONU, une réforme nécessaire

Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour réclamer la réforme des Nations Unies. L’organisation fait parfois figure de mastodonte paralysé qui grave dans le marbre des rapports de force et des manières de penser anachroniques.

Dans sa mission de police internationale, l’ONU fait face à un blocage structurel. Ses institutions ne lui permettent pas d’agir quand les membres permanents du Conseil de sécurité s’opposent. Ainsi, elle n’a pas su empêcher les conflits irakien, syrien ou ukrainien. 

En l’état, son institution phare, le Conseil de sécurité, a figé les rapports de force au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Certes, c’est une logique d’efficacité, et non de représentativité, qui a présidé à la création du conseil. Il regroupait les pays les plus capables d’agir à l’époque. Mais cette représentation du monde est devenue anachronique. Par exemple, elle ne prend pas en compte le poids de certains géants économiques comme le Japon, ou le statut de puissance nucléaire de l’Inde ou du Pakistan. La contribution au fonctionnement de l’institution, financière, diplomatique ou militaire, n’est pas non plus considérée. Cela réduit la légitimité des résolutions du conseil, et donc diminue son autorité.

En outre, des contradictions subsistent au sein de l’organisation. Alors que le respect des droits de l’homme figure à l’article 1 de la charte des Nations unies, démocraties et dictatures s’y trouvent mises sur le même pied. La Chine et la Russie, comme le Soudan et le Venezuela, sont ainsi membres du Conseil des droits de l’homme, ce qui entache la crédibilité de ses décisions. C’est d’ailleurs au prétexte d’un conseil « hypocrite » que les États-Unis l’ont quitté en 2018. Ils l’ont réintégré depuis. Nul doute cependant que sans ces « contradictions » l’ONU cesserait tout simplement d’exister.

Les raisons ne manquent donc pas pour procéder à une réforme de l’ONU. Plusieurs propositions sont faites en ce sens.

Des propositions pour réformer l’ONU et le Conseil de sécurité

Les idées ne manquent pas pour réformer l’ONU.

Des réformes ont bien été menées depuis 1945, mais elles sont demeurées de portée réduite, ou très techniques. Par exemple, en 1965, le nombre de membres non permanents au Conseil de sécurité est passé de 6 à 10. En 2006, la commission des droits de l’homme, complètement discréditée, est devenue le Conseil des droits de l’homme, plus restreint.

Des propositions existent pour élargir le Conseil de sécurité. Ainsi, le « G4 », composé de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde et du Japon, suggère la création de six nouveaux sièges de membres permanents avec droit de veto. Ils s’en attribueraient quatre, et réserveraient les deux restants pour les pays africains. D’autres souhaitent intégrer des membres permanents sans droit de veto, ou créer des sièges semi-permanents (pour un mandat de quatre ans).

Certains espèrent également la suppression du droit de veto. De façon plus réaliste, sa limitation, par exemple dans des situations de crime de masse, est aussi envisagée.

Les états membres explorent aussi d’autres pistes pour modifier les institutions de l’organisation. Les États-Unis ont ainsi proposé la création d’un « comité des démocraties ». Des groupes de travail sont régulièrement formés pour tenter d’arriver à un consensus sur les réformes à adopter. En 2004, plusieurs personnalités éminentes avaient remis un rapport sur le sujet.

Des propositions existent donc pour réformer l’ONU, et particulièrement le Conseil de sécurité. Toutefois, c’est bien lui qui détient le dernier mot.


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Le Conseil de sécurité de l’ONU, pierre d’achoppement de la réforme

C’est le Conseil de sécurité qui détient les clefs de la réforme. Et il n’est pas prêt à abandonner une partie de son pouvoir.

Augmenter le nombre de sièges ou accepter la limitation du droit de veto reviendrait à affaiblir considérablement les membres permanents du conseil sur la scène internationale. C’est particulièrement le cas de la France et du Royaume-Uni dont la stature de grande puissance repose en partie sur leur siège de membre permanent.

Les rivalités géopolitiques freinent également la réforme du Conseil de sécurité. L’élargissement s’avère un sujet épineux. Jamais la Chine ne tolèrera l’entrée au Conseil de l’Inde ou du Japon. Les pays qui ne sont pas membres permanents craignent aussi de voir l’équilibre rompu en leur défaveur. Le Bangladesh s’opposera par tous les moyens à l’accession de l’Inde à un siège de membre permanent. L’Afrique quant à elle peine à désigner ses candidats.

In fine, c’est le Conseil de sécurité qui détient les clefs de sa propre réforme. En effet, son élargissement ou sa refonte nécessitent d’amender la charte des Nations Unies. Et pour ce faire, il faut un vote à la majorité des deux tiers de l’assemblée générale… et l’accord du Conseil de sécurité. Et il ne devrait pas volontairement diminuer le pouvoir de ses membres.

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Les raisons qui imposent une réforme de l’ONU sont celles-là mêmes qui l’empêchent : la prééminence du Conseil de sécurité et les intérêts de ses membres permanents. La réforme de l’ONU fait donc figure de véritable « serpent de mer », qui a toutes les chances de ne jamais voir le jour.

Cependant, si l’organisation connaît des blocages, elle n’en demeure pas moins l’un des pivots des relations internationales. Ces difficultés ne doivent pas masquer le rôle clef des Nations Unies dans le fonctionnement de la vie internationale.

Partie 3. À quoi sert vraiment l’ONU ?

Partie 1. Le blocage de l’ONU