Faut-il légaliser le Cannabis ?

L’usage du cannabis est aujourd’hui tellement répandu dans toutes les couches de la société qu’il faut bien reconnaître que la politique de répression à son endroit est un échec. De nombreux pays ont d’ailleurs autorisé sa consommation de manière plus ou moins encadrée. Pourtant, sa toxicité est réelle. Dès lors, doit-on prendre acte de l’échec de la politique de répression de la consommation des drogues douces et accepter la légalisation du cannabis ?

Tout d’abord quelques distinctions et définitions.

Drogue : perturbateur d’activité neuronale.

Stupéfiant : drogue interdite.

Drogue dure : crée une dépendance forte. L’alcool peut être considéré comme une drogue dure.

Drogue douce : crée une dépendance faible. Il s’agit exclusivement de cannabis et de ses dérivés.

Cette classification est contestée. Il y a des usages durs de drogues douces. On étudiera plutôt les drogues comme un continuum, avec différentes dépendances psychiques et physiques, mais aussi différents effets physiques et sociaux.

La légalisation du cannabis serait aujourd’hui un choix rationnel puisque les politiques de répression ont échoué. L’opportunité d’un tel changement de cap pourrait être confirmée par l’analyse de la situation sanitaire des États ayant déjà franchi le pas.

Doit-on prendre acte de l’échec de la politique de répression de la consommation des drogues douces et légaliser le cannabis ?

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I. Une légalisation problématique

La légalisation renforcerait les effets néfastes des produits concernés.

Le cannabis est indéniablement un produit nocif. Particulièrement chez les jeunes, chez qui il peut entrainer un retard mental, ou provoquer la schizophrénie. Par ailleurs, ses fumées sont très nocives. Toutefois, il rend peu dépendant et ses effets sur les adultes sont limités. Par ailleurs, tous les produits nocifs pour la santé ne sont pas interdits.

La légalisation entrainerait mécaniquement une hausse de la consommation. C’est ce qui a été observé dans le Colorado après la légalisation de 2015. Les effets à long terme de la légalisation seraient une augmentation du coût économique et social de traitement des méfaits du cannabis, comme avec le tabac.

Si la toxicité du cannabis est réelle, force est de constater que la politique d’interdiction est un échec majeur.

II. Une opportunité économique et humaine

La prohibition est un échec, et la légalisation permettrait des gains économiques, mais aussi humains importants.

La politique de prohibition est un échec. 40 % des Français auraient déjà touché au cannabis. Chaque année, 100 000 personnes sont arrêtées pour détention ou consommation de cannabis. Cette politique de lutte coûte environ 500 millions d’euros par an. Elle demande un temps et une énergie si considérable aux forces de l’ordre que certaines communes, comme Rennes ou Reims, expérimentent une « amende forfaitaire » pour détention d’une certaine quantité de cannabis, sans passage devant un tribunal.  

Les gains économiques d’une légalisation seraient importants. D’après un rapport du Conseil d’Analyse Économique de 2019, la légalisation et la mise en place d’une filière contrôlée par l’État pourraient rapporter 2 milliards d’euros par an de recettes fiscales, et créer plusieurs dizaines de milliers d’emplois.

La légalisation pourrait paradoxalement diminuer la consommation des autres drogues. Une telle mesure pourrait en partie assécher le trafic de drogue, mais nul doute que les trafiquants sauraient rebondir. Mais surtout, en recourant à une filière contrôlée par l’État et à des magasins spécialisés, on limiterait le contact d’une grande partie de la population avec les dealers. Donc, de façon assez contre-intuitive il est vrai, la légalisation limiterait le passage d’une drogue à l’autre.

Si une légalisation à très court terme serait difficile politiquement, agir à moyen terme permettrait de s’appuyer sur l’étude de la situation sanitaire des États ayant décidé de légaliser le cannabis.  

III. Se donner un horizon de 5 ans.

La décision pourrait intervenir progressivement, en s’appuyant sur une étude des résultats de la légalisation au Colorado.

La légalisation du cannabis à usage thérapeutique peut intervenir immédiatement. En effet, elle ne comporte aucun risque et est plébiscitée par le corps médical.

La décision de légaliser ou non le cannabis pourrait avoir lieu à l’horizon de 5 ans. En effet, la légalisation du cannabis au Colorado a eu lieu en 2015, et il faut environ 10 ans pour évaluer une politique. En 2025, nous pourrons juger sur pièce. Les autres pays ayant légalisé sont l’Uruguay (2013), le Canada (2018) et plusieurs autres États américains. Il est autorisé, mais fortement réglementé aux Pays bas, en Espagne, en Italie, en Suisse et en République tchèque, rien que pour les pays d’Europe. Le sujet ne peut donc pas être un tabou.

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Le vieil adage selon lequel il faut contrôler ce que l’on ne peut interdire s’applique à la consommation de cannabis. Sans réelle efficacité des politiques de prévention comme de répression, il est donc possible d’envisager la légalisation du cannabis, mais en se donnant le temps d’évaluer les politiques menées dans les autres pays et de mettre en place une filière contrôlée par l’État.

Une telle décision ne peut cependant reposer que sur des aspects techniques et chiffrables. Il s’agit d’un choix politique.

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Voir aussi L’extraterritorialité du droit américain est-elle une arme économique ?